Je ne suis pas de ceux qui ont trouvé le film longuet & démotivant ; j'ai apprécié l'ensemble malgré l'amaigrissement chronologique de l'idée de base, tel un chewing-gum qu'on étire.
Cronenberg fait abstraction de toute recherche de mise en scène à interprétation lynchienne comme dans "Le Festin Nu", mais ne s'égare pas pour autant vers le divertissement qu'on lui connaît si bien dans "La Mouche" ou "ExistenZ". Il me reste encore une belle brochette cinématographique pour compléter mon érudition quant au bonhomme, toutefois il ne me paraît pas prétentieux d'affirmer qu'il s'agit d'un bel essai pour le réalisateur étant donné qu'il emprunte un chemin encore boueux dont le béton armé n'est imaginé que par d'illustres visionnaires. Il démantèle tout aspect commun du cinéma pour le remonter à sa façon, castrant pour ainsi dire les codes du genre ; on se retrouve à errer sans but au coeur d'une idée, cerné par des échanges théâtraux, philosophiques & poétiques, par des disparitions rythmées par des apparitions tout aussi subites, par une atmosphère désillusionnée, par une conscience de soi & du monde proche de la mélancolie.
Si le concept est d'une qualité irréprochable, il n'en va pas de même quant au soutien du rythme : certes on ne se lasse pas, mais la dépression ambiante qu'instaure Cronenberg est malvenue, & le rôle-clef de Pattinson comme figure emblématique du Patrick Bateman des années 2000 est quasiment survolé, presque absent pour laisser place à du dialogue sans ambition, proche du néant, essayant d'exprimer toute la misère du monde en ne sachant pas l'expliquer autrement que par "la faute des hommes" & de leur effacement du "moment présent". Certains échanges sont mêmes fastidieux en dépit de l'entourage fastueux : tout est opacifié, les transitions sont insipides & incompréhensibles, un peu comme si le réalisateur avait essayé de penser à des bribes pour arriver à terme & lâcher la purée (bon d'accord, c'est grossier mais c'est l'impression qu'on a sur la durée).
Il est dommage de voir que l'un des plus grands auteurs de cinéma expérimentalement malsain ait dérivé sur une route qui semble n'être pas de son ressort ; après le désastreux "A Dangerous Method", il semble qu'il soit sur le point de prendre son envol, car si "Cosmopolis" n'est pas un raté, il en ressort pour le moins inachevé, comme une esquisse du chef-d'oeuvre à venir.
Satané
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le 30 sept. 2012

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le 30 sept. 2012

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