Un film qui laisse pantois
Armé d'un temps libre estival se faisant rare, l'envie tend vers un (re)visionnage de vieux films classiques, la plupart encensés par la critique. Avant d'entamer "L'aurore" & "M le Maudit", je profite du milieu de la nuit pour regarder "Freaks".
Ce n'est pas un film qui laisse indifférent. Sa photographie, pour l'époque, est magnifique ; les acteurs sont excellents & leurs expressions sont d'un réalisme tangible ; la mise en scène est soignée, & certains moments sont effrayants de par leur psychédélisme & l'effroi qu'ils parviennent à dégager ; le scénario est certes simpliste mais là n'est pas le point le plus important, puisqu'il est maîtrisé & captivant pour n'importe quel public.
Toutefois ce qui me dérange, c'est le côté malsain entourant l'oeuvre : engager des "monstres de foire" pour interpréter des "monstres de foire dénigrés & montrés à l'affiche", c'est quelque peu décalé. Voir toutes ces créatures se balader sur l'écran, sachant d'avance qu'elles sont ainsi dans la réalité, c'est quelque peu perturbant. De plus Browning insiste sans hésitation sur l'hypnotisme procuré par des acteurs intrigants : alors que la musique lancinante & répétitive du cirque bassine la plupart de la trame d'introduction, avant de laisser place à un silence pesant, alimenté par des plans rapprochés sur les visages naturels des acteurs : leurs handicaps sont tellement signifiants qu'on ne perçoit pas une once d'artifice dans leur jeu. On ne sait pas si ce dernier cherche à susciter pitié, admiration ou neutralité. Le rire de Schlitzie attendrit, puis on remarque l'horrible forme de son crâne & on a du mal à séparer la fiction de la réalité. Puis plus l'histoire suit son cours, plus on se met à haïr ceux qui les rejettent, même si aucun de ces monstres n'a de visage incitant une quelconque compassion. Toujours est-il que l'on se doit de reconnaître un certain talent, qu'il soit voulu ou spontané.
Là où je ne sais pas vraiment me situer, c'est par rapport au placement de l'éthique dans ce film : peut-on vraiment reprocher à l'auteur d'avoir montré ces "monstres" en tant que tels, ou doit-on l'acclamer d'avoir su défendre des règles égalitaires & tolérantes en ayant cependant exclu toute question morale dans la réalisation même de l'oeuvre ? Qu'importe. Si je ne devais retenir qu'un point phare dans "Freaks", c'est l'atmosphère découpée entre l'hideur des personnages, handicapés ou non, & le scénario très classique ; ce dernier prend des allures surréalistes lors de certaines scènes telles que l'attaque fangeuse au couteau ou encore le repas de noces.
Le film ne m'a pas totalement convaincu, car il représente plus une idéologie & une remise en cause qu'une réelle envie cinématographique : même si l'ensemble est soigné, on perçoit aisément que le réalisateur n'a pas eu le désir extrême de s'attarder sur une histoire trop lourdingue mettant sur le devant de la scène le rejet desdits "monstres" ; afin d'estomper l'impact visuel, il s'est servi d'une trame captivante & délaissant intentionnellement une thématique qui dérange.