100 nuances de grisaille.
Tout d'abord je dois dire qu'ici il ne s'agit pas de SF blockbuster avec moultes effets spéciaux et moult action - si vous attendez de ce film qu'il vous apporte votre dose d'adré, passez votre chemin.
Ici nous avons un drame sur fond de SF post apo, un film sensible et intimiste, qui nous présente la relation d'un père et de son fils dans un monde ravagé par le feu, la faim, le froid, où tout n'est que question de survie.
En ce qui concerne la catastrophe qui a transformé ce monde, on ne sait que très peu de choses, on sait juste qu'il est question d'un feu "qui a commencé sur les montagnes" et a tout ravagé. On sait également d'entrée de jeu que ça ne pourra pas être réparé, qu'il n'y aura pas d'issue fondamentalement heureuse.
On ne sait pas vraiment de quelle sorte est ce feu qui visiblement a touché le monde entier, ou du moins les États-Unis, ni même s'il s'agit réellement d'un feu.
Il n'est pas dit s'il s'agissait d'une catastrophe naturelle, d'une catastrophe surnaturelle ou d'une catastrophe humaine, bien que la logique nous indique qu'il devait s'agir de la première.
En soit ça ne semble pas cohérent, un feu ne se déclare pas comme par magie sur l'ensemble du globe...
Mais en fait la raison initiale n'a plus d'importance, ça s'est produit. Ce désintérêt de l'explication se retrouve dans pas mal de romans de SF - post apo ou pas - je pense à Enfin la Nuit de Camille Leboulanger, ou moins post-apo à Marche ou Crève de Stephen King.
On ne sait pas vraiment ce qui a amené cette situation, mais on finit par ne plus se poser la question, déjà parce que comme les personnages principaux, nous ne sommes pas des experts, pas des scientifiques ni des militaires, comme les personnages nous sommes dans une situation présente dont il est inutile de comprendre l'origine. Parce que seul compte l'instant et le besoin de survivre.
Ce film parvient à nous transmettre ça, la survie en essayant tant bien que mal de garder son humanité. Il est expliqué que certains en vont jusqu'au cannibalisme (chose à laquelle on n'assiste jamais, ce n'est pas un film gore, il n'y avait pas d'intérêt à le montrer).
Dans ce film on en revient à une vision manichéenne du bien et du mal, "les gentils" et ''les méchants". Cependant avec ces personnages on apprend que cette vision en yin et yang ne fonctionne plus, pour survivre on se doit d'être parfois "les méchants".
Mais il y a cet enfant pour qui ce concept de bien et de mal est clairement défini et vital, pour lui on ne peut pas être "les gentils" et se montrer méchant.
Cet enfant, je l'ai d'abord trouvé tête-à-claques, un peu trop niais, mais très vite je l'ai trouvé touchant. On se rend bien compte que cet enfant est né au moment où le monde sombrait, il n'a jamais connu "notre monde", et a grandi les premières années de sa vie protégé du monde, dans un espace où il n'avait pour modèle que ses parents et les livres.
Il a donc appris naïvement le bien et le mal. Ce garçon symbolise la morale, l'humanité à préserver, "il porte le feu".
D'autre part, dans ce film, outre le gris omniprésent qui confère une atmosphère pesante et angoissante, il y a cette épée de Damoclès sur leur tête: le suicide, seule issue dans le cas où il ne leur serait plus permis de conserver leur humanité.
C'est le choix qu'à fait la mère de l'enfant, mourir immédiatement ou survivre en n'ayant que la mort pour avenir, pour ça elle ne pouvait s'y résoudre.
Le texte qui décrit sa mort est poignant, le père dit, à peu de choses près: elle est partie mourir quelque part dans le froid et l'obscurité, il n'y a rien de plus à en dire.
Cette simplicité dans les termes rend la chose d'autant plus tragique et écrasante.
Et pendant tout le film, il y a cette option qui pèse.
Il y a donc dans ce film quelque chose d'à la fois simpliste et de très fort, ce n'est en tout cas pas un film qui laisse indifférent.
On pourrait se dire que c'est un peu facile de parler de survie, d'adversité, et surtout du fameux "plutôt survivre que mourir, coûte que coûte", mais les choses sont présentées de façon humble, sans fioritures, sans faux-héroisme à deux sous.
Ils ne sont pas des héros, seulement un père et son fils qui refusent de se laisser mourir trop tôt, sans avoir du moins essayé.
Mon seul mauvais point concerne le côté "ça tombe à pic" de certains évènements. [attention SPOILER]
Comme lorsque par hasard que le père décide justement de s'éloigner de son fils malade pour fouiller une épave, à ce moment précis arrive un rôdeur qui vient les voler. Ou à la fin, lorsque sitôt le père mort de la maladie qui le rongeait, un homme vient s'occuper du garçon, un homme faisant manifestement partie "des gentils".
Pourquoi cette trop parfaite coïncidence?
Le fait est que ça n'entache pas la qualité de ce film émouvant et saisissant, dans lequel Viggo Mortensen et Kodi Smit-MacPhee (qu'on a vu dans le remake de Morse - que j'ai moyennement apprécié sachant qu'en tant que remake il s'agissait en fait de retranscrire presque scène pour scène le film suédois) s'illustrent dans des rôles humbles et attachants.
Un très bon film pour moi, à voir et à revoir.