80 ans d'inspiration pour le cinéma policier
Fritz Lang n'est pas juste l'un des pères fondateurs du cinéma universel ; il n'est pas non plus seulement l'exemple typique de la maîtrise des techniques visuelles & sonores ; il est aussi un homme dont la renommée n'est plus remise en doute. Car c'est certainement le cinéaste qui a le plus métamorphosé le cinématographe depuis sa création.
Fi des admirations, même si elles sont méritées. "M le Maudit" marque non seulement l'apothéose du réalisateur, mais aussi la révélation inattendue de l'excellent Peter Lorre.
Ce dernier interprète le tueur du film, à cela près que l'on n'arrive pas réellement à déterminer quel genre d'être se terre au fond de son âme souillée par le sang : est-il conscient de ses actes, & donc d'une intelligence dupant tout le monde, ou bien est-il atteint d'une maladie mentale, comme il l'affirme à la fin du film grâce à sa fameuse tirade ("quand je cède à l'envie de tuer tout s'évanouit autour de moi") ? C'est un point qui peut susciter la polémique : qui peut bien prouver que l'homme est dérangé psychologiquement, si ce n'est lui-même ? Les familles des victimes n'y peuvent évidemment rien & ne seront jamais contentées de la peine encourue par le meurtrier. Peter Lorre joue un rôle qui requiert donc des qualités faciales faisant songer à un individu perturbé, manipulateur, mais pourtant tiraillé par sa propre manière d'être & d'agir ; & il faut bien reconnaître que l'acteur s'en sort à merveille & révèle un côté malsain que l'on ne s'attend pas à découvrir dans une si vieille oeuvre.
Par ailleurs, Lang peut se vanter d'avoir su mener l'intrigue vers son dénouement & ce sans égard : tout est parfaitement sublimé, de l'image au montage, de l'affrontement social entre pègre & forces policières jusqu'aux questionnements moraux & psychologiques mettant sur table la vie d'un homme. Rien ne traîne, on ne perçoit aucun temps mort, aucun vide, aucune pause inutile.
Ainsi Fritz Lang a su imposer son cinéma aux générations suivantes, qui ont absorbé ses talents de mise en scène & de scénario, pour les utiliser (à outrance) ou les laisser transparaître. Toutefois le concept semble aujourd'hui être usé jusqu'à la corde, & c'est dommage car on est forcément moins impressionné par "M le Maudit", pourtant influence ancestrale de beaucoup de chefs-d'oeuvre policiers de ces dernières décennies.