Tout c'qui fallait pour combler ma nuit
Je ne suis pas amateur de la saga James Bond, je n'ai probablement vu qu'un tiers des films de ladite saga & joué à un ou deux jeux-vidéos dérivés. Non pas que le lifestyle bondien me déplaise, bien au contraire, mais je n'ai jamais pris le temps de me consacrer pleinement à cette épopée démesurée.
Toujours est-il que la nuit dernière, pris d'un ennui persistent, j'ai décidé de choisir le premier film me tombant sous la dent, & quelle fut ma surprise lorsque m'est apparu cette oeuvre de Mendes, ce dernier étant un réalisateur hors-pair à mes yeux ; j'avais beaucoup apprécié cette complexité exaltée sous une nappe presque doucereuse, dans "Away We Go" & "American Beauty", alors j'étais en droit de me demander ce qu'il allait bien pouvoir pondre un 007 sous la main. En parlant de 007, Craig est un acteur que je trouve incroyablement masculin & charismatique, bien loin des clichés que Brosnan ou Moore dégageaient.
Je me suis alors plongé sans grande attente dans le film & dès le début j'ai été déçu, à cause d'une scène d'action commune, néanmoins réaliste, rappelant le moins bon opus précédent : pour le coup je m'attendais à mieux, puis l'accident est survenu, & là j'ai pris une claque monumentale, juste avant que le générique s'enclenche & me mette réellement dans l'ambiance du film.
Suite à quoi, je me suis focalisé sur chaque détail, sur chaque parole, & je n'ai plus été déçu. Bond est fabuleux, touchant, & Mendes réussit le pari de le rendre bien plus réaliste que jamais il ne l'avait été auparavant. On met cela sur le compte de la vieillesse, pour ne dépiter personne, cependant j'y ai entrevu bien plus que cela, j'y ai entrevu un Bond plus sensible, introverti, & je dirais même en pleine introspection, non pas sur sa carrière, mais sur sa condition (alcoolisme, anxiété, vulnérabilité).
Les Bond-girls sont terriblement alléchantes en dépit de leur manque de présence. Le vilain est charismatique sans l'être vraiment, il est à l'instar de son instrument de terrorisme, une espèce d'ordinateur destructeur mais sans grande profondeur humaine. En vérité j'ai perçu comme une volonté chez Mendes de tout mettre de côté, y compris le MI6, voire M, pour se consacrer plus particulièrement au personnage de Bond. Bien entendu, les scènes d'action sont au rendez-vous & remarquables, bien moins fictives que dans la plupart des autres volets, mais ce n'est pas vraiment le propos du film. On sait que l'on assiste à un blockbuster (probablement même le blockbuster de 2012, vu la piètre qualité de ce qui a été servi en concurrence), mais celui-ci comporte des dimensions psychologiques très intéressantes. On revient sur le passé de Bond : sa voiture dans Goldfinger refait surface ; le manoir de ses parents est dévoilé ; etc, comme une espèce de bilan probatoire quant à sa vie d'antan en comparaison avec son avenir incertain (les innombrables fois où est répété le mot "ready", dans le sens "êtes-vous prêts à continuer ?" ou "êtes-vous prêts à endosser cette responsabilité ?", sont assez perturbantes & marquantes). On assiste finalement à une confrontation entre le Bond humain & fragile, se remettant en doute physiquement parlant, & le Bond du mythe, de l'épopée, celui sur lequel le MI6 repose tant sa force mentale est inébranlable.
Mendes délivre ainsi un opus d'une puissance inégalée, cherchant la subtilité là où il était compliqué de la trouver. Il se sert d'une bande-son qui relève du génie, comme à son habitude, & la finesse de son choix quant aux décors & aux paysages est admirable. Rarement j'ai ressenti autant d'émoi en visionnant un opus de James Bond.
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