Escape time
Avec son dernier trip onirique, le cinéaste chinois ne fait que fortifier la magnifique réputation qui le précède : celle de devenir prochainement l’un des meilleurs réalisateurs chinois de son...
Par
le 25 janv. 2019
53 j'aime
Cette œuvre est plus une expérience cinématographique qu'un film pour moi. C'est très difficile de dire si j'ai aimé ou pas et c'est aussi ça que j'aime dans le cinéma car cela veut dire que le film m'a touché et quelle que soit la façon dont il l'a fait le voir n'a pas été vain. Ce qui est sûr c'est que je ne me suis pas ennuyé en le regardant, malgré son rythme assez lent et ses scènes contemplatives il garde le spectateur absorbé par la beauté dépeinte dans la moindre séquence.
Je ne m'aventurerai pas à tenter d'en raconter l'histoire car ça n'a rien à voir avec un récit classique. Je l'ai perçu comme une histoire d'amour observée dans le souvenir et les rêves d'un homme tentant de renouer avec les sensations qu'il a pu éprouver aux contacts d'une femme, dont il ne sait plus s'il est tombé amoureux de la personne et de l'idée de celle-ci.
L'esthétique du film est à couper le souffle, l'image et la photographie sont travaillées à l'extrême pour apporter un sublime à l'écran qui ne peut que séduire. En contrepartie, c'est tellement beau que j'ai souvent ressenti une impression de faux mais n'est-ce pas aussi la volonté du réalisateur afin d'accentuer le côté souvenir qui déforme et embellit la réalité ? Le film est d'ailleurs composé de deux parties bien distinctes, bien que restant étroitement liées, que je vois comme le souvenir et le rêve.
Ainsi, le souvenir a un découpage assez erratique avec des scènes plus ou moins longues, certaines ne faisant que quelques secondes sous la forme d'un flash et d'autres plus posées, le souvenir étant plus clair. L'échelle temporelle n'a pas plus de sens et nous mène dans des allers-retours qui peuvent être assez déstabilisant et qui sont construits comme un souvenir en appelle un autre et tout arrive dans un désordre apparent qui prend du sens dans la globalité. Et dans ce flot de scénettes les deux protagonistes se laissent porter dans ce voyage à travers la mémoire comme s'ils n'avaient plus aucune prise sur leur histoire. Les dialogues sont peu présents l'image prenant beaucoup trop de place pour se permettre d'être distrait par des paroles qui n'amèneraient rien de plus à l'attraction qu'exerce les personnages l'un sur l'autre. Cela donne lieu à des scènes d'une grande sensualité et les silences en disent bien plus que les mots qui pourraient être prononcés. Une attention particulière est aussi données aux couleurs, toujours très vives dans cette partie, en contraste avec le souvenir qui peut-être flou, la couleur saute aux yeux.
A l'inverse, dans la deuxième partie que je qualifie de rêve, les couleurs ont tendance à être plus ternes, même si elles restent présentes elles sont moins éclatantes. Cette deuxième partie est un long plan séquence de plus d'une heure, une belle prouesse technique et un sacré challenge sur la performance des acteurs qui traversent la séquence sans faille. On change complètement de décor pour rentrer dans une version romancée de la quête de cet homme dans laquelle viennent se mêler celles et ceux qui ont traversé sa vie. Autant dans la première partie l'image est léchée, lisse et claire, autant dans celle-ci on retrouve du grain, moins de lumière et des couleurs un peu ternies. Après une heure a avoir était secoué dans tous les sens dans les souvenirs, ça fait du bien de se poser et de suivre tranquillement ce rêve qui tente de répondre à certains des questionnements de cet homme en quête de réponse qu'il n'obtiendra certainement jamais, car même lui n'est plus sûr de ce qu'il recherche.
En commençant le film, j'avais peur de m'ennuyer surtout en sachant qu'il dure 2h20, mais étonnement je n'ai pas vu le temps s'écouler en suivant cette fresque poétique. J'ai été fasciné par la beauté de l'image, captivé par les acteurs et impressionné par la performance technique. Un film surprenant, pas adapté à tous les publics, loin de là, mais à découvrir pour les amateurs de cinéma qui sort de l'ordinaire.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs plans-séquences du cinéma et Mes Tri-cycles
Créée
le 2 oct. 2021
Critique lue 81 fois
1 j'aime
3 commentaires
D'autres avis sur Un grand voyage vers la nuit
Avec son dernier trip onirique, le cinéaste chinois ne fait que fortifier la magnifique réputation qui le précède : celle de devenir prochainement l’un des meilleurs réalisateurs chinois de son...
Par
le 25 janv. 2019
53 j'aime
J'ai finalement réussi à ce voir ce film à la dernière séance, j'ai cru que je l'avais raté... je l'ai vu en 2D malheureusement, mais malgré tout, quelle claque ! En fait je dois dire que je n'ai pas...
Par
le 25 févr. 2019
35 j'aime
6
C'est une invitation à tout ce que peut offrir le cinéma en terme d'expérience sensorielle et onirique que propose Bi Gan avec Un Grand Voyage vers la Nuit, dans la lignée et l'inspiration de Wong...
le 21 juil. 2020
29 j'aime
6
Du même critique
Le huis clos est un style difficile qui peut être vite ennuyeux, et je trouve qu'ici c'est assez réussi. Les quelques rebondissements permettent de relancer l'histoire quand ça commence à...
Par
le 20 mars 2022
10 j'aime
6
Un film au goût d'inachevé et assez fade dans son ensemble, c'est vraiment dommage venant de Kiyoshi Kurosawa. Une mise en scène presque théâtrale ne comptant pratiquement que des scènes d'intérieur...
Par
le 11 déc. 2021
9 j'aime
4
J'ai été agréablement surpris par ce petit film car ce n'était pas du tout ce à quoi je m'attendais. Le sujet du clone a maintes fois été traité mais ici il y a un peu plus d'originalité avec un...
Par
le 6 juin 2022
8 j'aime
1