Après avoir été enchanté, éberlué, estomaqué, et plein d'autres trucs positifs par ce qui est désormais ma série préférée de tous les temps, Endeavour (Les Enquêtes de Morse en VF), j'ai décidé de regarder la sobrement intitulée Inspecteur Morse dont elle se veut la préquelle.
Cette série de 33 téléfilms tirée des romans de Colin Dexter nous plonge dans les enquêtes d'un inspecteur d'Oxford vieillissant, marginal, grincheux, sensible, instruit (supra-cultivé même), grand buveur de bière, amateur de mots croisés et grand fan d'opéra. Peu enclin à suivre la procédure, il est assisté du sergent Lewis, un être bien plus terre-à-terre, normal, équilibré, etc.
Premier constat : ça a mal vieilli. Reconnue par la critique comme étant d'une qualité très élevée, cette série s'est étalée sur deux malheureuses décennies : les 80's et les 90's. Sur la forme donc, c'est moche, enfin rien à voir avec l'esthétique sublime d'Endeavour, et ce même malgré la magnificence d'Oxford. À noter tout de même, quelques épisodes réalisés par Danny Boyle qui sortent du lot, et la présence amusante de stars actuelles avant qu'elles ne soient connues (Rachel Weisz, Sean Bean, et autres...).
Sur le fond maintenant : une enquête par épisode, sans liens entre eux. Beaucoup de personnages antipathiques. Les enquêtes sont complexes et assez capillotractées.
Alors comment, mis-à-part le fait que j'ai adoré la préquelle, ai-je pu regarder intégralement cette série ? Une vieille série Anglaise qui a mal vieilli avec pas mal de défauts... Eh bien il faut jouer le jeu. Les enquêtes de cette série ne sont en effet, en plus de leur intérêt réflexionnel, qu'un prétexte pour exagérer la passion humaine, les déviances sociétales.
Ainsi Morse semble tantôt réactionnaire tantôt progressiste.
L'autre gros +1 c'est le duo principal et ses interprètes, ainsi que leurs interactions. Morse est toujours déprimé, et Lewis toujours optimiste, ce qui donne lieu à des dialogues assez cultes quand on couple ça à leurs différents centres d’intérêt. Par exemple souvent une réaction de Lewis a un monologue poétique ou a une référence culturelle de Morse se solde par un simple regard de ce dernier du style "je te méprise, fuck la vie". Encore une fois, ils ne parlent pas forcement de l'enquête en cours, ils parlent aussi, surtout, de la vie en général, de la vie de l'un et de l'autre. Lewis a tout ce que Morse n'a pas : une vie normale, une famille, etc. Ils n'ont rien en commun mais sont sur la même longueur d'onde. Malgré la condescendance et les taquineries de Morse, Lewis en vient au fil du temps à devenir un protecteur et un ancrage moral pour lui.
John Thaw était vraiment un grand acteur, bien qu'il se soit autant laissé aller que son personnage. Avec beaucoup de retenue, il arrivait a faire ressentir toutes les émotions et réflexions de Morse, et il y en avait un paquet. C'est très différent de Shaun Evans, qui est bien plus "expressif", "pétillent". Différent, ni meilleur, ni moins bon. Le personnage lui-même semble ne pas être le même, malgré les traits (de caractère comme physiques) communs. Shaun Evans reste bien plus accessible de par sa jeunesse ainsi que par la qualité cinéma d'Endeavour.
Enfin voilà, voir ces deux-là interagir pendant ces 33 épisodes fut vraiment agréable. Ça ne vaut surement pas Endeavour, qui est bien plus intéressante, réaliste et maîtrisée.
Et puis il y a toutes ces petites touches de je-ne-sais quoi, quelques exemples :
" - Après tout je suis vieux, célibataire, et je n'ai toujours rien compris à la nature humaine.
- Quel âge avez-vous, Monsieur ?
- J'ai oublié, Robbie."
(devant une école privée pour filles) " - Regardez Lewis, ceci est la crème de notre société. Riches et grasses."
" Lewis : - Toi qui connaîtras le triomphe et le désastre, traite ces deux imposteurs de la même manière.
Morse : - Ah, Kipling?
Lewis : Non, c'est inscrit à l'entrée du club de Tennis du collège de mon fils."
Et des tas d'autres, mais c'est les premières qui me viennent. Et ça, ça pour moi c'est la vraie richesse de cette série, ce duo, ce jeu d'acteur épique et ces dialogues génialissimes.
P.S. : je n'ai personnellement pas accroché à Inspecteur Lewis, bien que je dois reconnaître une grande qualité à cette suite.