Alors qu'Harryhausen aurait dû fêter récemment son centième anniversaire, il me semble intéressant de revenir sur quelques films ayant fait sa renommée... Ce qui frappe lorsque l'on parle d'une oeuvre comprenant le travail du légendaire Ray Harryhausen, c'est qu'immédiatement nous désignerons cet artiste comme le véritable auteur du film en question. Peu de gens pourront citer les cinéastes ayant officié sur les métrages sur lesquels l'animateur aura travaillé, car c'est bien ce dernier qui tirait les ficelles. Il était toujours présent sur les plateaux de tournage (à l'interrogation générale des producteurs) afin de donner les indications à l'équipe pour la construction des plans. Il était le véritable metteur en scène et moteur de ces oeuvres cinématographiques. Cette critique fait selon moi suite à mes retours sur le premier King Kong (1933), L'île mystérieuse (1961) et Jason et les Argonautes (1963) que vous pouvez retrouver ici : 1) https://www.senscritique.com/film/King_Kong/critique/116716009 2) https://www.senscritique.com/film/L_Ile_mysterieuse/critique/126617940 3) https://www.senscritique.com/film/Jason_et_les_Argonautes/critique/120450534

Le Choc des Titans représente la dernière oeuvre cinématographique à laquelle s'est attaqué le grand Ray Harryhausen. Après un premier passage dans le monde de la mythologie grecque avec l'excellent Jason et les Argonautes (considéré comme son chef d'oeuvre), l'animateur retourne conclure sa carrière dans le même type d'univers à l'origine de ses plus grands succès. Le récit présenté à l'écran est le suivant : Vingt ans après que le roi d'Argos l'ait condamné à l'exil, Persée, le fils de Zeus et d'une mortelle, Danaé, doit reconquérir le royaume qui lui appartient. Soutenu par son père, il commence par libérer la princesse Andromède et en tombe éperdument amoureux. Mais la déesse Thétis et son fils, Calibos, font peser sur la belle une terrible malédiction : tous ceux voulant l'épouser devront, sous peine de mort, répondre à une énigme. Jusqu'ici, aucun n'a su trouver la bonne réponse. La princesse est condamnée à être sacrifiée au Kraken. Le jeune homme devra donc partir en quête de la terrible gorgone Méduse. Cette dernière a le pouvoir de transformer tout être vivant en pierre d'un simple regard...

Le Choc des Titans sort en 1981 dans une période où le fantastique est à la baise et semble autant adoré que détesté. Il est vrai que le métrage semble se présenter relativement en retard par rapport à la vague de films proposant le procédé de la dynamation. Le cinéma passe en effet de plus en plus aux effets spéciaux réalisés directement face à la caméra, voir même au travail par ordinateur. A l'exception de films comme le premier Terminator (1984), rares sont les métrages proposant de suivre le mode de création de Ray Harryhausen aussi excellent soit-il. Cependant, cela serait oublier que nous sommes face, peut-être, à la seule oeuvre se revendiquant comme un film d'Harryhausen. Selon moi, Le Choc des Titans assume un regard vers le passé et ces techniques commençant peu à peu à disparaître. Si cela est totalement assumé, il n'en reste pas moins que nous sommes dès lors confrontés à l'un des meilleurs travaux de l'artiste.

Ce qui frappe, selon moi, dans ce métrage, si on devait le comparer aux autres sur lesquels l'animateur a travaillé, ce serait le ton général de l'histoire. Malgré que le côté familial et accessible pour petits et grands soit toujours présent, le récit se veut bien plus sombre qu'à l'accoutumée. Le film s'autorise plus de morts à l'écran, plus de tension, plus de suspense, plus de sang et un aspect parfois presque horrifique. Le Choc des Titans a le mérite de proposer de véritables nouveautés dans l'univers d'Harryhausen, malgré un contexte culturel déjà exploité par l'artiste. Certaines séquences, ainsi que certains caractères, peuvent se montrer assez terrifiants et impressionnants pour des enfants (sans jamais outrepasser les limites du supportable, bien entendu). Le personnage de Calibos en est un bon exemple, mais c'est bien dans la mise en scène de certaines créatures que nous retrouverons cette volonté de faire peur.

La scène mettant en scène les trois sorcières cannibales (les grées) ne feront peut-êtres pas sourire nos chères têtes blondes, mais c'est surtout durant la séquence de la rencontre avec la gorgone que le film atteint des sommets. Le suspense est superbement géré grâce à des plans sur l'ombre de la créature révélant sa nature mi-homme, mi-animal. Je me rappelle parfaitement, étant enfant, avoir eu très peur de cette créature tout en étant paradoxalement totalement fasciné par celle-ci, si bien que j'ai relancé plusieurs fois la VHS (oui oui) en arrière afin de mieux comprendre ce que je venais de voir. Il s'agit probablement de la séquence ayant scellé mon amour pour Harryhausen (l'artiste dira lui-même qu'il s'agit probablement de sa plus grande réussite). Comme énoncé dans mon retour sur Jason et les Argonautes , le son joue une importance primordiale dans la crédibilité du monstre à l'écran. Harryhausen aura souvent proposé des spécimens se tortillant, où la queue sert à donner un dynamisme et de la vie à l'animal. Il est donc ici intéressant de constater que, pour son dernier film, l'animateur choisisse de faire de la queue de Méduse celle d'un serpent à sonnette. Cela sert encore une fois grandement la tension et les bruitages qui sont, selon moi, d'une grande qualité.

De manière générale, tout ce que j'ai pu dire sur la gorgone s'applique aux autres créatures que Persée rencontrera sur son périple. Le bestiaire créé par Harryhausen n'a jamais été aussi fourni que dans ce métrage précis. Les propositions sont multiples et un certain nombre restera culte, comme la chouette Bubo ou le Kraken. Ce dernier est d'ailleurs également l'une des plus impressionnantes créations de la carrière de l'animateur, s'accordant parfaitement avec l'image. Sa menace semble inébranlable et son design est plus que réussi, s'éloignant du traditionnel calamar géant.

Les personnages sont tous également assez bien écrits et proposent un visuel immédiatement identifiable. Ils s'accordent parfaitement avec les sublimes décors que le métrage met en scène. La représentation du domaine des Dieux dans ce film inspirera d'ailleurs tout ce qui se fera par la suite dans le domaine (notamment dan "Hercule"). Les acteurs sont également tous très bons, mentions spéciales à Maggie Smith (que nous aimons toutes et tous) en Thétis et Laurence Oliver en Zeus. Certes, Harry Hamlin en Persée semble avoir du mal avec certaines répliques, mais il s'agit selon moi plus de quelques défauts d'écriture plutôt qu'une incompétence de la part de l'acteur. Il aura à l'époque été énormément descendu par les critiques pour sa prestation, constat avec lequel je suis plutôt en désaccord, d'autant que rien que par son visuel et sa carrure, le personnage en impose. Il est difficile pour moi de voir quelqu'un d'autre qu'Hamlin pour incarner le personnage aujourd'hui, tant il est devenu culte dans ce rôle. Pour les amateurs de jeux vidéo, sachez que l'acteur doublera le personnage de Persée dans God of War 2, preuve que la prestation aura marqué les esprits.

Le métrage souffre de quelques petits soucis si on est chipoteur, mais comment bouder ce que nous avons sous les yeux ? Comme à son habitude, Harryhausen nous offre la possibilité de vivre une aventure unique qui nous marquera à tout jamais. J'ai découvert Le Choc des Titans juste après L'île Mystérieuse, et ce film de l'artiste aura été une leçon, ainsi que la raison de mon amour des monstres, et l'une des oeuvres m'ayant fait aimer le cinéma. Le nombre de plans iconiques dans cette oeuvre ne sont plus à prouver tant ils sont nombreux. En embrassant cette technique d'animation datant presque du passé, Harryhausen livre, avec le réalisateur Desmond Davis, une référence absolue du film d'aventure et une brillante remise au goût du jour du péplum mythologique (absent depuis pas mal d'années à l'époque).

Ray Harryhausen aura influencé le monde du cinéma et des arts de façon titanesque. Il nous démontre une dernière fois avec Le Choc des Titans son immense talent afin d'encore une fois nous emporter et nous faire rêver. Comme cela a déjà été énoncé, l'artiste aura une telle patte identifiable qu'il est souvent considéré (à juste titre) comme le principal moteur de ces oeuvres si particulières. Il s'agit de mon Harryhausen préféré et de l'une des pierres angulaires du cinéma fantastique. Cette référence s'est éteinte en 2013, laissant une grand nombre d'héritiers qui ne seraient pas là sans lui aujourd'hui (Guillermo Del Toro, Peter Jackson...). Monsieur Ray Harryhausen, merci pour ce merveilleux travail accompli.

Activité sur Le Choc des Titans