La première fois que j'ai entendu parler de cette série, j'avais mal lu le titre qui était alors devenu dans ma tête "Altered Cabrón". Par conséquent j'ai longtemps été persuadé qu'il s'agirait d'une comédie espagnole chelou. Un peu plus tard, en faisant le ménage sur les fiches de senscritique, j'ai constaté qu'il n'en était rien et qu'il s'agissait en réalité de l'adaptation d'un bouquin Cyberpunk, donc là forcément je l'ajoute à ma liste de séries à surveiller. Après une première bande-annonce blockbusterisée à mort, ça sentait un peu le roussi. Mais parfois (souvent?) les trailers ne reflètent pas les oeuvres qu'ils sont supposés promouvoir. Aujourd'hui, la série est disponible. Je sors les chips et le Pepsi, j'éteins les lumières et j’appuie sur Play. Et là, c'est la douche froide.

Mais d'abord, Altered Carbon c'est quoi au fait? Pour moi c'est simple, c'est Demolition Man et Blade Runner. Demolition Man pour l'idée de base "on va remettre en circulation un dur-à-cuire comme on en fait plus qu'on avait mis au placard depuis des lustres afin qu'il règle tel problème" et Blade Runner pour l'esthétique de l'univers. Seulement Altered Carbon n'a ni l'originalité, ni l'humour du premier, et n'a certainement pas la beauté, ni l'atmosphère du second.

S'il est envisageable de fermer les yeux sur l'absence d'idées nouvelles, on était quand même en droit d'attendre un récit bien ficelé et des personnages convaincants. C'est adapté d'un bouquin à succès après tout. Et bien ce ne sera pas le cas non plus. L'intrigue avance sans le moindre suspens. Malgré la baston et les fusillades, on ne ressent aucun danger, aucun risque. C'est du spectacle sans conséquence, de l'action pop-corn. Les fins d'épisodes sont mal amenées et manquent cruellement de punch. Visuellement, Altered Carbon a de la gueule, les décors et les effets spéciaux sont le fruit d'un effort certain, mais les images de synthèse ont ce côté un peu cheap/fake qui dessert cet univers au lieu de l'enrichir. L'image est trop clean. C'est trop éclairé, on voit tout, même quand on est dans le noir.

Le pire, c'est peut être la musique, ou plutôt son absence. Car on entend dans Altered Carbon le même genre de musique qu'on peut entendre dans n'importe quelle série. A mon sens, le Cyberpunk se détache de la science-fiction classique par son atmosphère toute particulière (en gros, un monde foutu dans un univers envoûtant). Alors qu'Internet regorge d’artistes musicaux parfaits pour ce genre de production. Sans singer les compositions de Vangelis dans Blade Runner, y'avait moyen de donner une identité musicale à cette série pour lui donner de l'épaisseur. Il n'en est rien. Et c'est un crime d'être complètement passé à côté de cette opportunité.

L'histoire en elle-même ne passionne pas. La faute a des personnages auxquels on n'a pas envie de s'intéresser. On a un héros beau gosse ultra bodybuildé torturé invincible et sa partenaire flic dont le principal trait de personnalité est qu'elle dit souvent des gros mots en espagnol. La renoi mentor guerrière qui donne des cours de survie à ses élèves dans la forêt, je préfère ne pas en parler. Arrivé à la moitié de la saison, je ne comprends toujours pas pourquoi on a été réveiller ce vieux bougre pour lui confier cette enquête. N'y-a-t'il plus de détective privé dans le futur? Et quand enfin on apprend la raison (quasiment à la toute fin), on s'en fout complètement. Il y a également quelques délits de faciès. En tête de liste, la black traumatisée "coincée" dans l'espace virtuel. L'actrice ne colle pas du tout avec le personnage de fillette apeuré qu'on essaie de nous vendre. Et vers les derniers épisodes, son "évolution" est ridicule.

Bref si vous voulez voir une enquête qui prend aux tripes, un monde envoûtant et des personnages qui en chient pour survivre, passez votre chemin. Ici pas de suspens, seulement de l'action. Y'a un côté presque années 90 dans la manière de raconter l'histoire et de gérer le traitement les personnages. Ça croit être bad-ass, mais ça l'est pas. A défaut d'avoir une narration et un propos mature on a du sang, des boobs et un univers Cyberpunk factice, propre et un peu de politiquement correct diversité culturelle tout ça tout ça (Ortega et son accent abusé, est-ce innocent? Ou est-ce pour caresser le public latino dans le sens du poil?). D'ailleurs la nudité dans la série est régulièrement gratuite. Pourquoi nous montrer la bite d'un mec au calme? Certains épisodes de Black Mirror font bien mieux à tous les niveaux (mise en scène, jeu d'acteur, scénario, photographie, plot-twists, idées dérangeantes qui font réfléchir, etc...) et ils n'ont pas besoin de 10 heures pour nous raconter quelque chose.

Une fois de plus Netflix s'impose comme une société génie en marketing. Après avoir flairé le bon filon des années 80 avec Stranger Things, il est l'heure de surfer sur la vague Cyberpunk. Altered Carbon est désormais LA série Cyberpunk de Netflix. Avant y'en avait pas, maintenant il y en a une. On peut cocher la case.

Mute sort ce mois-ci, également sur Netflix. En espérant que le format film aide à avoir un truc condensé. Pour ce qui est du "vrai" Cyberpunk, je vais me mettre en cryo-sommeil et attendre patiemment 2077, pas l'année, mais le prochain jeu du studio CD Projekt qui collabore avec Mike Pondsmith, le papa du genre. Eux ils ne feront pas les choses à moitié.

PS: Mention spéciale à la scène dans l'arène avec le combat contre 2 Orcs WTF puis la meuf qui débarque façon ninja en cosplay Assassin's Creed. Je suis sûr que les moins de 12 ans ont été très impressionnés.

Activité sur Altered Carbon