Emballée par les excellentes critiques de ce livre, et appréciant l'humour de Mr Le Prof depuis quelques années, je l'ai acheté les yeux fermé - survolant à peine le résumé, pour ne pas me spoiler et savourer le livre au mieux. Manque de pot, j'ai été déçue.

L'histoire est simple : un prof de lycée brisé par son travail prend une classe en otage. Il est très critique de la société dans laquelle il vit, plein de ressentiment contre les élites politiques, mais aussi contre les journalistes et même ses collègues. Il croit qu'il ne lui reste plus qu'un moyen de s'exprimer, et c'est par la violence.

Cette prise d'otage, c'est un ultime moyen d'exprimer sa colère. Même si le personnage prétend vouloir changer les choses, il n'a en réalité aucune revendication.

Tout ce qu'il demande, c'est d'être écouté, d'abord par une journaliste, ensuite par le ministre de l'éducation nationale. Et ce qui ressort de l'entretient avec la journaliste, ce n'est pas une liste de propositions, ou un appel à mettre fin à certaines pratiques, mais le portrait d'un prof au bout du rouleau.

Ce cri de colère est au centre de l'intrigue, ce qui constitue à la fois un défaut du livre, à mes yeux, et sa plus grande qualité : on voit ce que le métier d'enseignant en ZEP peut avoir de désespérant - mais on ne voit que ça. Au point que les passages d'introspection du héros m'ont paru indigestes, à la longue.

De plus, je trouve que les auteur.rices auraient dû plus souvent respecter la maxime du "show, don't tell". Il m'a semblé que les différents personnages étaient toujours présentés sur le même mode, en trois temps : découverte de leur métier et leurs aspirations, de comment ils apprennent qu'a lieu la prise d'otage, puis on les voit interagir avec le héros. Tout est dit, rien n'est suggéré, et rien n'est laissé à l'interprétation. On devine assez facilement l'opinion des auteur.rices sur les différents protagonistes.

Seule exception : les élèves. On sent le respect et l'empathie qui guident leur description, et il y a une volonté assez claire de rompre avec les clichés habituels sur les jeunes de banlieue. Ils sont intelligents et sensibles, leurs différentes personnalités sonnent juste, on sent que c'est un prof qui a aimé ses élèves qui écrit.

Au contraire, certains personnages sont décrits sans nuance, et on est à la limite du cliché.

C'est particulièrement le cas pour le proviseur qui a fait de la politique et gère l'école comme une entreprise, ou la journaliste assoiffée de scoop, manifestement incapable d'empathie tant elle est obsédée par sa carrière. Sans compter le type au RSA en quête d'attention sur les réseaux sociaux parce qu'il se sent vide intérieurement.

Le déroulement de l'histoire se fait de façon presque linéaire, sans grande surprise. Le dénouement n'était pas difficile à imaginer et les péripéties sont rares. Les extraits de Twitter, de forums, ou d'articles de presse apportent de la variété, mais semblent parfois aussi très stéréotypés. Ils ont quelque chose de familier, mais de si familier qu'on a le sentiment que n'importe qui aurait pu imaginer les mêmes pages.

J'ai le sentiment que les auteur.rices ont été entravé.es par leur volonté de réalisme. On ne reconnait pas le style de Mr Le Prof qui est connu sur internet pour sa maîtrise de l'humour noir et son talent pour exagérer les petites scènes du quotidien. Dans une fiction on peut intégrer du grotesque, de la caricature assumée, de l'humour noir... Pourquoi s'en être privé ? Le livre n'est pas mal écrit, mais dans un style très (trop) sobre.

Au total, à qui conseiller Le Hussard noir ? A ceux qui aiment les lectures sans prise de tête, faciles à aborder, mais aussi à ceux et celles qui veulent mieux comprendre ce qui peut se passer dans les établissement ZEP, et la souffrance des enseignants. Mais clairement pas à un.e prof de lettres au bord du burn out.

Activité sur Le Hussard noir