Activité sur Le Port de la Mer de Glace
Les derniĂšres actions
livre de Dominique Potard
RĂ©sumĂ© : Une petite merveille dâhumour et de poĂ©sie burlesque dont lâaction se situe dans un bar de Val MisĂšre... Extrait : "La nuit tomba alors que nous atteignions le sommet de la niche. Une superbe plate-forme, au pied dâun grand diĂšdre qui se perdait dans les brumes et lâobscuritĂ©, fut la bienvenue. Ce grand diĂšdre Ă©tait dâailleurs la seule information que je possĂ©dais sur le reste de la face. Il fallait le remonter, puis les difficultĂ©s allaient croissantes jusquâĂ lâarĂȘte sommitale du Petit Dru, avec de nombreux passages en surplomb⊠En hauteur pure, nous avions dĂ©jĂ gravi plus des deux tiers de la face ; mais en difficultĂ© technique, ce qui nous attendait Ă©tait sans commune mesure avec ce que nous avions franchi au-dessous. Nous nâĂ©tions pas prĂšs de revoir une plate-forme comme celle qui nous accueillait ce soir. Jâalertai lâattention de mes camarades sur ce seul point. â Bon ben⊠on va profiter quâon puisse encore mettre les verres Ă plat ! GĂ©rard plongea le nez dans son sac Ă dos. Fernando avait annoncĂ© au menu des bavettes Ă lâĂ©chalote, avec des frites. Il coupait dĂ©jĂ les pommes de terre en tranches. JâĂ©tais trĂšs curieux de voir comment elles allaient ĂȘtre frites⊠La rĂ©ponse Ă©tait on ne peut plus simple. Fernando extirpa de son sac, aussi inĂ©puisable que celui de GĂ©rard, deux litres dâhuile et une belle friteuse noire, en fonte⊠Devant mon air dĂ©concertĂ© Ă lâidĂ©e quâon hissait ça depuis trois jours, Fernando se fendit de son plus beau sourire. â Yâa pas de mystĂšre ! Si on veut manger des bonnes frites, y faut une bonne friteuse ! Câest logique ! LâAmiral, histoire de changer, avait sorti une bouteille de Ricard pour lâapĂ©ro. La premiĂšre fonction du rĂ©chaud fut de faire fondre de la neige pour hydrater la cĂ©lĂšbre boisson sudiste. Il faisait Ă prĂ©sent complĂštement nuit. Comme tous les soirs depuis notre dĂ©part, le brouillard sâĂ©tait Ă©paissi, mais la tempĂ©rature extĂ©rieure, lâanis aidant, Ă©tait tout Ă fait supportable. Cet emplacement de bivouac Ă©tait de loin le plus luxueux que nous ayions connu : une large vire, horizontale, de sept ou huit mĂštres de longueur, bien plate et large de prĂšs de deux mĂštres. Le pastis allait bon train. LâAmiral, profitant de notre soif, exerçait ses talents de barman avec un zĂšle dangereux. â âferais bien une petite pĂ©tanque en buvant mon pastaga, dit-il soudain, les yeux brillants. â TĂ©, ça, câest une bonne idĂ©e ! Je nâavais pas encore rĂ©alisĂ© quâil sâagissait dâune proposition sĂ©rieuse, que les deux compĂšres grattaient la neige pour en extraire quelques pierres plus ou moins rondes. â On joue lâapĂ©ro ? Tobby sâĂ©tait mis aussi, sans savoir pourquoi mais avec beaucoup dâenthousiasme, Ă fouiller la neige en remuant frĂ©nĂ©tiquement la queue. Quelques minutes plus tard, la partie de boules commençait. Le bouchon de la bouteille de Ricard, de toute façon condamnĂ©e, servait de cochonnet. Le terrain de jeu Ă©tait Ă©clairĂ© par les flammes gesticulantes du rĂ©chaud. â Tire-lĂ câte boule ! â Allez, trois au carreau ! En ces hauts lieux, cet univers minĂ©ral, austĂšre, glacĂ© et inhospitalier de la trĂšs haute montagne, on aurait presque cru entendre le chant des cigales. »