Pajtim Statovci est doué pour jouer avec nos attentes. Alors que je m'attendais à un drame romantique, une histoire d'amour déchirante entre deux êtres que tout oppose, le roman retourne cet aspect-là à maintes reprises. Difficile d'en dire plus sans trop en dévoiler, mais le personnage principal (Arsim, l'Albanais) est tout bonnement monstrueux et détruit tout ce qu'il touche. J'ai lu une critique qui comparait Arsim à Meursault dans l'Etranger... ça se tient !

L'écriture est fulgurante, la tension permanente. Difficile de lâcher le roman une fois qu'on l'a commencé. La narration est entrecoupée par des extraits du journal de guerre de Milos ce qui rend le tout encore plus immersif et violent. Le journal est fragmenté, évoque tantôt la guerre, tantôt des traumatismes d'enfance, parfois avec des déclarations d'amour à Arsim comme s'il pouvait l'entendre. Le journal devient de plus en décousu au fur et à mesure que Milos plonge dans la folie. Une réaction à la violence de la guerre, et à sa propre violence qui s'est réveillée après l'exil d'Arsim.

Car le but de Statovci avec ce livre, c'est bien de sonder la violence, et notamment de sonder la violence d'individus opprimés. Le vernis de mythologie albanaise, avec la légende du Bolla, renforce une impression de malédiction. On s'en doute dès le départ : cette histoire va mal finir. Pourtant, on ne cesse d'espérer une fin de comédie romantique, on ne cesse d'espérer qu'Arsim va changer une bonne fois pour toutes et apercevoir la lumière dans le tunnel de sa haine et de son immoralité.

Un roman captivant dont l'horreur ne laisse pas indemne.

Activité sur Bolla