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a attribué 7/10 au livre

Numbers

1967 • livre de John Rechy

Résumé : Écrit à la fin des années soixante, Numbers, qui figure parmi les principaux romans de Rechy (aux côtés de Cité de la Nuit), rencontra un grand succès dans son pays et fut largement traduit à l’étranger. Ce récit d’une déchéance, condensé en dix jours, décrit, sans apologie ni sentimentalisme, le trajet existentiel d’un personnage le temps d’une sorte d’odyssée sexuelle. Johnny Rio, ex-prostitué, rentre à Los Angeles après trois années d’absence et d’abstinence. Les souvenirs d’une vie passée dans les mêmes lieux (cinéma, plage, parcs) sont prétextes à faire de nouvelles rencontres homosexuelles, comme si s’était substituée à l’argent la compulsion de séduction. Mu par un narcissisme exacerbé, peu à peu envahi par une peur insidieuse, le héros, sorte de Dorian Gray des temps modernes, est submergé par une angoisse existentielle que seule parvient à repousser, quelques instants seulement, une brève relation sexuelle, anonyme. La folie qui semble emporter le personnage et l’entraîne à sa perte prend la forme d’un jeu aux règles mal établies et fluctuantes (il s’agit de séduire le plus d’hommes possible dans le moins de temps possible). L’ambiguïté de ce macho rongé par la culpabilité chrétienne, qui ne se définit pas comme homosexuel et dont l’homophobie larvée ne semble contrecarrée que par le culte qu’il voue à sa personne, est l’un des aspects les plus originaux du livre. Adorateur de son propre corps, dont la beauté est menacée par le temps, Johnny ne supporte nulle concurrence dans le vaste marché du sexe où il rôde constamment, cherchant à être l’éternel objet du désir, et refusant avec une sorte d’autorité virile toute forme de passivité. Le parcours de ce personnage prend la forme d’un destin tragique ; un fatum sombre, ambigu traverse le roman. Comme dans Tricks, de Renaud Camus, l’accumulation et le catalogue tiennent lieu d’échange humain. À l’instar du Démon de Selby, Numbers est le roman d’une compulsion dévorante, impérieuse, frénétique, frôlant parfois le comique ; son écriture abrupte, crue, qui ne verse jamais dans la psychologie, est saisissante par ses remarquables envolées poétiques.