Quand j'avais 16 ans, je suis allé voir Whiplash avec mon père, qui aime le jazz au moins comme Damien Chazelle prétend l'aimer, et en sortant, il m'a dit "je pense pas que ce soit ça, le jazz". C'était encore tôt dans mon parcours de vie pour pleinement comprendre ce qu'il voulait dire, mais il avait mis le doigt sur quelque chose de juste. Entre ce moment et aujourd'hui, je suis devenu adulte et j'apprends à vivre comme tel. J'ai eu des amis de circonstances le temps d'une soirée, j'ai fini des mois en enchaînant les paiements refusés sur ma carte bleue et je suis plusieurs fois tombé amoureux, en pensant qu'on ne m'y reprendrait plus.

Il me semble que Damien Chazelle ne comprend pas grand chose de la vie. Peut-être que c'est pas si étonnant finalement, en venant d'un milieu riche et académique. En ayant appris le cinéma à Harvard, peut-être qu'on finit par faire des films de merde.

Babylon est une gigantesque cacophonie porno qui hurle mais ne montre rien de valeur ; un film qui se complait dans sa surenchère amorale, et prend un malin plaisir à répéter "vous vous rendez compte que ce que vous voyez est dégueulasse et vide ? Finalement, Hollywood n'est pas le petit paradis qu'on imagine". Un film qui veut dresser un portrait romantique des années 20, une décennie lors de laquelle les femmes et les Noirs n'étaient même pas humains à moins d'être riches. Finalement, je crois que je ne peux plus vraiment continuer à regarder des films de gosses de riches qui parlent d'autres riches et de leurs prétendus problèmes de riches. La démesure, la coke, ce qu'on pense d'eux dans les magazines. Chazelle voudrait me faire voir la beauté quand un type brave des épreuves aux proportions épiques, tout ça pour aller chercher une caméra et "sauver un film". Il voudrait me faire avaler que pour ce si beau film, on tue des figurants et des techniciens. Il voudrait me faire avaler que pour pleurer sur commande, Nellie Laroy "pense à la maison". Tout ça parce qu'il n'a aucune idée de ce qu'est le talent, aucune idée de ce qu'est le cinéma, de ce qu'est la vie. Parce qu'il n'a pas la moindre once de talent, parce qu'il ne dit rien sur rien, et peut-être même qu'il ne sait rien sur rien. En 2014, il ne savait pas ce qu'était le jazz alors qu'il est censé avoir toute cette "expertise". En 2022, il ne sait même pas ce qu'est le cinéma en ayant été nominé aux Oscars pour tous ses longs-métrages (non pas que ce soit une mesure correcte non plus). Il ne sait visiblement toujours pas non plus ce qu'est le jazz, puisque pour un film sur les années 20, il a demandé à son compositeur d'en recomposer des pièces originales (alors que lui-même n'a pas l'air d'y connaître grand chose). Il ne sait que diriger des acteurs qui ont à peine l'air humain, sans doute parce qu'il ne saurait pas quoi leur insuffler.

Il ne sait que filmer des seins et des culs comme un ado, des femmes faisant des overdoses et des blagues qui ne volent pas plus haut que celles qu'on trouverait dans un film du MCU. Il ne sait que répéter qu'il est subversif, tout en étant douloureusement académique et ennuyeux. Mais pas d'inquiétude, il nous dit, à la fin, que les chefs-d'oeuvre sont faits par les gens comme lui, que le cinéma n'est que la somme d'Avatar, Matrix et Un Chien Andalou.

Au moins, on a un montage de fin ridicule à mourir de rire pour se consoler, et essayer de se rassurer en se disant que c'est pas si grave qu'on ai regardé un film de 3 heures vide. Un film qui ne parle de rien, qui veut tout montrer mais n'achève jamais la beauté.

Activité sur Babylon