A travers un seul plan fixe, qui représente le salon d'une maison située en Nouvelle-Angleterre, Robert Zemeckis nous raconte ce qui s'y est passé à travers les âges, depuis la préhistoire en passant par le XVIIIe siècle jusqu'à notre époque contemporaine. On suit en particulier un couple dans les années 1940 qui va acheter cette maison, puis la famille va s'agrandir...

Qu'on aime ou pas Robert Zemeckis, il ne peut s'empêcher de jouer avec les limites du medium cinema pour proposer des choses toujours plus risquées. Parfois ça ne marche pas, mais quand la réussite est là, ça donne des choses étonnantes. Here, tiré d'un roman graphique, a comme parti-pris de filmer non seulement sur un seul axe, sans aucun mouvement de caméra (à 99,99 %...), mais il montre également les personnages à différents âges de la vie. En particulier le couple des années 1940 joué par Kelly Reilly et Paul Bettany, un vétéran de guerre qui aura du mal à revenir dans la vie active, et un de leur fils joué par Tom Hanks, qui va rencontrer une jeune femme jouée par Robin Wright. Pour faire vieillir et rajeunir les acteurs, un procédé tout à fait inédit a été trouvé, en faisant impliquer l'intelligence artificielle sur le visage des personnages, de sorte que par exemple pour Tom Hanks, on le voit jeune homme, comme dans ses premiers films dans les années 1980, jusqu'à un âge avancé, tout comme Robin Wright. J'avoue que l'effet est bluffant, surtout sur ceux qu'on a connus plus jeunes, mais quand ils sont plus âgés qu'il ne ne sont réellement, j'avoue que ça marche moins, et qu'on a plus affaire à un maquilleur fou, en particulier sur Reilly, Hanks et Bettany. De plus, le procédé même du film, qui ne peut pas exercer de gros plans, en fait quelque part un frein à l'émotion, car on sent à distance des personnages. Sauf le dernier plan, qui est absolument magnifique et qui, en cassant les carcans du film, permet de libérer une véritable puissance émotionnelle qui manquait jusque là.

Mais au niveau formel, c'est souvent brillant, avec ces multiples fenêtres à l'image qui permettent d'avancer ou de reculer le temps à l'aide d'incrustations. Mais malgré mes griefs, je trouve le film passionnant, non seulement sur l'avancée du rajeunissement numérique à l'aide de l'intelligence artificielle, mais aussi de créer un vrai défi, dont Zemeckis est un spécialiste.

Cependant, le bide annoncé me fait peur pour la suite de sa carrière, car soit il enchaine les échecs commerciaux, soit il est condamné aux plateformes ; il serait dommage de sacrifier un tel formaliste.

Activité sur Here – Les plus belles années de notre vie