Je répertorie depuis un moment mes trop peu nombreuses lectures et mes visionnages sur sens critique sans jamais avoir eu le besoin ou même l'envie de me lancer dans l'écriture d'une critique. Il est bien triste que ce soit une lecture négative qui me motive.

Entrez dans la danse est un cadeau offert à ma mère qui apprécie beaucoup Jean Teulé et en a lu presque tous les ouvrages. Moi-même je n'ai lu que Le Magasin des suicides il y a un certain nombre d'années. Pour changer des grands classiques que je lis habituellement et ravie de trouver un livre traitant de la Renaissance (période sur laquelle ont porté mes études), je me suis lancée dans cette lecture après avoir patiemment attendu que ma mère finisse.

De mon point de vue, Entrez dans la danse est un livre dans lequel on entre jamais, décrivant en boucle les mêmes situations sans que jamais le récit ne mène quelque part. Je me suis réellement ennuyée et c'est péniblement que j'ai tenu à finir l'ouvrage. De plus, le style de Jean Teulé est alambiqué ; les phrases n'ont souvent que peu de sens et nécessitent une irritante seconde lecture tant la construction grammaticale est maltraitée par l'auteur. Vouloir être original ne veut pas dire être bon. Les anachronismes lexicaux et les tentatives de connivences avec le lecteur font parties du style de Jean Teulé et ponctuent ici le récit tentant d'être des ancres pour parvenir à accrocher le lecteur dans un texte sinon plat. Mais pour moi cela m'a plutôt gêné tant les poussées de violences verbales m'ont semblé gratuites et inefficaces.

L'histoire oppose comme toujours les médecins et l’Église avec, au centre, le pauvre dirigeant de Strasbourg, complètement perdu. L'auteur est ici tombé dans la caricature à l'extrême ; les clichés utilisés démontrent un manque de documentation criant. Bien sûr l’Église n'allait pas bien permettant la Réforme (pour aller très très vite) mais tous les ecclésiastiques n'étaient pas pourris jusqu'à la moelle et dénués de tous sens moral. Passons, nous sommes ici dans la fiction même si l'auteur clame que tout ce qui se trouve dans son livre est vérité.

Justement, il traite également de la Réforme; du moins il tente par quelques phrases de mentionner Luther. On peut penser que ce changement dogmatique n'est qu'une toile de fond.

Mais alors pourquoi cette dernière phrase?! "Cinquante-quatre ans plus tard, c'était la Saint-Barthélémy." Tel un cheveux sur la soupe, cette phrase est de trop. Est-ce une tentative in extremis de donner de la profondeur à un livre assez vide de sens? Un twist final qui donne à penser que la danse n'était qu'une métaphore de la diffusion de la Réforme dans la ville et de la réaction de l’Église? C'est-à-dire une façon de montrer que l'auteur était au-dessus de nous, pauvres lecteurs, qui prenions le récit au premier degré; alors que lui n'agit qu'au second. Il vaut mieux s'attacher à bien raconter une histoire plutôt que de mal en raconter plusieurs (excusez la tournure de cette phrase).

Il s'agit donc d'une grande déception pour moi, d'autant plus que cette lecture est la première de 2019. Je ne comprends pas comment Jean Teulé a pu remporter un tel succès avec cet ouvrage. Il est vrai qu'il est désormais un auteur très connu dont le nom suffit à vendre.

Pour lire un bel ouvrage sur ce sujet, je conseillerai vivement de préférer l'essai de John Waller intitulé « Les danseurs fous de Strasbourg – Une épidémie de transe collective en 1518 ». Il s'agit d'un essai scientifique mais très bien écrit (si si les universitaires écrivent souvent très bien), fluide et accessible qui emporte plus loin que cette farandole avortée.

Activité sur Entrez dans la danse