y a des séances de cinéma, et il y a la séance de The Substance. Je tiens, avec ce film, LA séance la plus éprouvante de l’année. Vous en avez beaucoup entendu parler, mais j’en suis arrivé à la conclusion que peu importe les avis que vous entendrez, c’est une expérience qui doit être vécue en salle. J’ai vu le film il y a trois semaines, mais encore aujourd’hui, j’en suis marqué. C’est typiquement le film qui a besoin de décanter et dont j’ai eu besoin de prendre du recul avant d’en parler.

Avec une promo aussi efficace mais qui en montre si peu, l’intérêt et le mystère autour du film étaient à leur maximum. Et pourtant, au terme de la projection, toute énergie m’avait quitté. Vous savez, ce moment où vous êtes bloqué sur votre siège, ne sachant quoi dire ni quoi penser. Vous êtes simplement physiquement là, alors que les lumières se rallument. Des séances comme celles-là, il y en a rarement. Mon dernier souvenir doit être la séance de Mother! de Darren Aronofsky en 2017, ou peut-être le remake de Suspiria en 2018.

Référencé avec des classiques de l’horreur comme Carrie, Shining ou Psychose, le film se construit grâce à des codes connus de tous. Cette histoire sur une actrice vieillissante dans un monde qui lui refuse la moindre ride, évidemment contrôlé par un groupe d’hommes, était une thématique toute trouvée pour aller dans l’extrême. Et l’extrême, vous allez en avoir. Cette peur profonde de l’âge et de l’oubli. Une angoisse si grande du désintéressement, de ne plus mériter une quelconque attention. Il y a dans cette histoire un mal-être causé par une industrie qui n’a aucun scrupule à jeter les personnalités aux oubliettes.

L’esthétique est parfaite, ciselée et montée avec une maîtrise incroyable. C’est simple : chaque plan, chaque son ou chaque bruitage est amplifié par le concept et surtout ses actrices. Demi Moore et Margaret Qualley sont irréprochables. Elles offrent les deux facettes d’un personnage complexe ayant perdu toute estime d’elle-même. En prenant la substance, Elizabeth n’imagine pas l’enfer qui va s’abattre sur elle. En voulant à tout prix retrouver sa jeunesse intérieure, l’amour de son public et la reconnaissance qu’elle a toujours connue, elle va provoquer tout le contraire. Entre envie et jalousie, Elizabeth et Sue vont provoquer leur propre chute. Il y a là une critique cinglante du monde actuel. Cette pression de perfection permanente, montrer aux yeux du monde la meilleure version de nous-mêmes en omettant le négatif, c’est quelque chose que nous avons tous ressenti à un moment sur les réseaux. La séquence de maquillage en est la preuve parfaite.

The Substance est une grande réussite ! Même si la troisième partie m’a laissé complètement dépossédé de mes moyens, il va jusqu’au bout pour développer son concept. Dans ce dernier acte éprouvant, Coralie Fargeat n’y va pas par quatre chemins. Elle ouvre les vannes et déverse sur son public toute la puissance de son propos. Par cette apothéose inédite, à la fois grotesque et comique, cette séquence n’a pas pour but de faire peur, mais au contraire de confronter le public. Qui est réellement le monstre dans cette histoire ? Telle est la question.

Il est indéniable que 2024 sera marquée par ce film. Je ne peux que vous encourager à le regarder car vous ne sortirez pas indemne du visionnage.

@jecrismoncinema

Activité sur The Substance