Je viens de finir "L'Arrache Coeur" de Boris Vian. Et je m'interroge.

Je m'interroge sur sa proximité avec le chef d'œuvre qui est "L'écume des jours". L'évidence d'abord : il partage le goût de l'absurde, l'écriture poétique et les personnages ciselés avec tant de précision qu'on se surprendrait à les croiser dans la rue. Mais il y a aussi ici un sentiment de rance, une odeur malsaine qui devient de plus en plus présente. Là, on diffère de son ainé, qui s'il jouait avec grandeur sur le sentiment de détresse, restait dans le registre plus "propre" de la tristesse. L'Arrache-coeur sombre, lui, dans un registre poisseux que la plume de Vian n'a de cesse de remuer. C'est incroyable d'inconfort, de gêne, de honte.

Hélas, tout cela a un revers. Un revers que "l'écume des jours" évitait avec brio : l'éclatement du rythme. L'arrache-coeur ne coule pas, ne se dilue pas dans sa folie aussi bien. Je m'y suis même ennuyé une ou deux fois. Et même sans s'ennuyer, les scènes sont parfois décousues, le lien trop facile ou trop fou ne retient pas l'attention. Le côté immonde de tous les protagonistes pourrait jouer, et Vian ne perd pas son lectorat que parce qu'il joue avec les sentiments humains avec une justesse confondante. On frôle parfois la catastrophe tant l'absurde et l'idiot se mêle.

Enfin, on retrouve l'humour de Vian. Là, pas de complaintes : du petit-lait. Le personnage du curé et sa religion du luxe est jouissif.

Au final, je crois que j'aime inconfortablement.

Activité sur L'Arrache-cœur