Ecouter [RESET]...

Des paroles signées Bertolt Brecht (j’y reviendrai) se greffent à une intro atmosphérique et nous alertent sur la nécessité de l’engagement des poètes, puis, viennent se mêler à la magie glacée d’un hiver nucléaire... Sale temps pour les poètes ? C’est le temps du « Cold Song », célébrissime extrait de l’opéra « King Arthur » de Sir Henry Purcell démocratisée dans les années ’80 par Klaus Nomi. Cette reprise, au-delà de la performance vocale hors norme de Jérémy Lecoq, pause la démarche créatrice et délibérément artistique du groupe.

Dans « Genesis » se télescopent une foule d’images : des pas se rapprochent sur un ostinato de basse émaillé de notes de harpe, avant que ne s’ouvre une fenêtre sur un espace ample et vif, lui-même mis en abîme pas une succession de breaks alternant un rock très électrique et des passages de violoncelles.

Nous restons finalement échoués sur la plage qui sépare deux titres et là, étonnés, nous prenons conscience que les paroles étaient en français et que la langue de Molière, quels que puissent être nos préjugés, s’accorde parfaitement à la rythmique rock lorsque l’on possède une parolière du talent d’Ophélia Grimm.

« Le Pacte » est une poésie « doom » qui nous conte, sur fond d’incantations lancinantes, le sacrifice fait au diable pour rencontrer le succès. C’est surtout une brillante démonstration de la construction d’une ambiance par le choix de l’instrumentation. On notera notamment le chorus saturé de la guitare de Kired Dongala qui rehausse de toute sa force l’interprétation vocale du couplet final.

Morceau éponyme de l’album, « Reset » nous offre la montée en puissance d’une phrase de harpe hypnotique qui prend un relief inattendu lorsqu’elle est soutenue par la ligne de percussion basée sur les toms basses de Kevin Bedejus. Thème cher à Paris’Click, les paroles nous dressent le portrait d’un « no life » dont le parcours déshumanisant conduit irrémédiablement au « game over ».

Pour ceux qui ont la chance de savourer cet album sur vinyle, il est temps de changer de face. Ouf ! Enfin de la légèreté, une respiration, grâce à la subtile douceur de la « Comptine du soir pour des âmes en vol ».

Nouvelle facette du groupe : Ils savent rire ? « Mouton Panique » est une drôle de satyre sociale au rythme enlevé qui charge copieusement monsieur Belier et madame Brebis, abrutis, momifiés par leur hideuse retraite devant le petit écran.

Oui, Paris’Click a de l’humour et leurs amis aussi, notamment le célèbre Fernando Arrabal qui prête sa plume pour les deux derniers morceaux de l’album : « Desperados ! » dont la poésie teintée de surréalisme décline de multiples et surprenants visages du desperados et « Nous sommes des rats d’égout », une petite pièce d’opéra punk construite sur l’instable frange d’équilibre d'un refrain accrocheur séparant violence et tendresse.

« Nous sommes des rats d’égout », la boucle est-elle bouclée ? Cet ultime constat répond-il à la phrase d’introduction de l’album : « In the future, they won’t say the times were dark / Rather they will ask: why were their poets silent? » (Dans le futur, ils ne diront pas que l’époque était obscure mais ils se demanderont plutôt pourquoi leurs poètes restaient silencieux.) Paris’Click ont décidé de l’ouvrir et de chanter, le temps d’un souffle que nous espérons le plus durable possible.

J'ai essayé de trouver une étiquette qui colle au "style Paris'Click". Ça pourrait être "rock symphonique", "progressif néo-punk", "opéra indie pop" ou autres, mais j'ai choisi "Rock alternatif". Oui, c'est clairement alternatif dans le sens où ils sortent de très loin des sentiers battus, offrant une nouvelle alternative à la musique rock. On sent la formation classique de certains membres, la culture rock, le goût de l'expérimental, la conceptualisation et la maîtrise instrumentale du progressif. En raisonnant par la négative ce n'est pas hip-hop, ni électro, ni lambada, ni variétés... Paris'Click, plus qu'une étiquette, c'est finalement un concept et je préfère vous renvoyer pour cela à la lecture de leur biographie ici.

Activité sur Reset