BE
7.6
BE

Album de Pain of Salvation (2004)

La Musique ne s'écoute pas, elle se vit


Prologue



« I am!
I was not then I came to be »


Un être.
Des voix. Enfant, homme, femme… Il est Un et Tous à la fois.
Unique.


Un être.
Conscience qui s’éveille seule dans l’espace, le temps, l’éternité.
Dérivant.


Il est mais qui est-il ?


Au loin, perçant les voix : musiques. Très loin. Réminiscences d’un passé oublié ?
Un mot surgit : Dieu.
Ainsi se nommera-t-il.


Un être.
Un but. Comprendre.
Qui est-il ?



Acte I – Naissance de la Vie



« Trying to understand myself
I created the world to be an image of myself »


Un son de percussions se rapproche. Un luth accompagne. Musique tribale des anciens.
La flûte est le vent qui souffle, le luth le ruisseau qui coule et le tambour la marche fougueuse des premiers hommes.


Récit de la Création.


« 10,000 BC - 1 Million people »


Dieu, Animae, divise son esprit. Naissance de l’Homme :
Imago.


« And now I am many, so many »
« Together they become me »


Promesses d’un bel avenir.


« I think they will teach me something »


Rythme entrainant. Joyeuse mélodie. Chant plein d’espoir alors que les saisons passent…


« Year 1 AD - 170 Million people »


Pluvius Aestivus. Sublime instrumentale au piano.
Puissante mélancolie. Calme poétique.


Les pluies d’été se succèdent. Encore et encore.
Le temps fait son œuvre : l’évolution.


Imago, l’image de Dieu, l’Humanité, trouve sa place dans le monde et se pose les mêmes questions qu’Animae :
Qui suis-je ?


« Year 2,000 AD - 6,080 Million people »



Acte II – Perte de l’innocence



Acte II et première pièce progressive de l’album.
Guitare, batterie. Une mélancolie qui se mue en désespoir.
Désespoir de la perte de l’être aimé.


Imago grandit et perd son insouciance. Face à la mort, à la solitude, une seule réponse :


« I need to put faith in something. I need something to blame for this pain »


À son tour Imago crée des Dieux, des mythologies. Des images de lui-même.
Car l’Homme a besoin d’aide. De soutien.
De croire.


Prières.
Voix graves. Profondes. Chants religieux de ceux qui cherchent la voie.


« Oh Lord. Won't you hear a sinner's prayer »


Prières.
La voix se brise. Aiguë. Désespérée.


« Save me, I'm drifting. Help me, I'm drifting »


Les Hommes cherchent des réponses dans leurs Dieux. Sans comprendre.
Imago semble perdu.


Vient Dea Pecuniae. Déesse de l’argent.
Long morceau prog’ entrainant, étourdissant. Brillant ! Bijou de composition.


Une lueur d’espoir. Imago, l’Humanité, notre époque, nous, représentés par Mr. Money.
Tous trouvant leur salut dans l’argent, le pouvoir et la luxure.


« I’m here to let you down »


Logorrhée. Monologue.
L’individualisme de notre société tenant dans les formidables prouesses vocales qui nous sont balancées en pleine figure.
Égocentrisme.


« I got myself a winning team: it's Me, Myself and I! »


Machines. Économie. Pouvoir.
Nos esclaves deviennent nos Dieux.
Imago se perd…



Acte III – Déclin



…et Animae avec lui.
Dieu devient notre esclave.
Blâmé. Supplié. Remercié.


« Where you’ve been when I needed you the most? »


Pleurs. Prières lancinantes.
Hommes, femmes, enfants… Le Monde l’appel. Sans cesse…
Guitare. Piano. Tout se mélange dans cette instrumentale qui chante bonheur et malheur.


« Speak to me… »


Le calme avant la tempête.
Animae se méfie de lui-même, de chaque fragment ayant engendré Imago.


Puis vient le déclin.
Explosion !
Riff lourd. Grave. Rythme lent. Doom !
La fin est proche. Les hommes hurlent leur haine, les guitares crachent leur désespoir.
Reproches !


Dernier appel au secours d’Animae :


« Help me, I’m starting to fade »


Tout retombe.
Le temps d’une inspiration, l’espoir demeure. Puis…


Doom ! Imago vole en éclat !


« Man is shattered ! I am shattered ! »


Individualisme.
L’Humanité renonce à ce qu’elle aurait pu être. Animae se meurt.


« We failed »


Nihil Morari. Rien ne subsistera.


Riff de guitare bas, fond de violons, piano dissonant. Voix expirant l’agonie.
Le déclin s’annonce.
Lentement.
Inexorablement.


« Mankind remains the same »


Puis Imago sombre.
La musique s’emballe. S’enchaine. La machine est lancée.
Percussions violentes, cordes rageuses, voix hurlantes.
Superposition. Accumulation.


« 2,050 AD - 9,104 Million people »


Dans sa quête de subsistance, Imago draine, parasite, détruit.
Chaos !


La fin est là. Quand il ne reste plus rien…
…le calme revient.


Imago a entrainé Animae dans sa chute.


« Please forgive us
For this human lack of humanity
This tragedy called "Man" »


Mais il ne reste plus rien.



Acte IV – Renouveau



Le temps passe. S’écoule au rythme d’un arpège de guitare bientôt accompagné de piano.
Maladie. Famine. Guerre.
Mort.


« 2,060 AD - 1.2 Million people... »


Avant de disparaitre, Imago rassemble ses connaissances dans la plus avancée des technologies :
Nauticus.
Création d’une création.
Immense machine. Reliquat de ce que fut Imago. Porteuse de son savoir, de ses espoirs.


« Will you find us the answers before we are gone? »


Nauticus part. Dérive. Erre dans l’espace et le temps. En quête de réponses.


Mais il est trop tard. Imago disparait.
Mr. Money, dernier représentant du genre humain, s’éveille dans un monde mort.


« There is no one left…
But me »


Métaphore de notre race condamnée à régner sur les vestiges du monde qu’elle a détruit.


« Ruler of ruin »


Ainsi arpentons-nous le chemin du sacrilège. Iter Impius.


La pièce maîtresse.
Lente plainte mélancolique ciselée dans le métal progressif le plus pur.
Brillant crescendo débuté au piano, traversé d’un solo bouleversant, s’achevant sur une orchestration lourde, puissante et un chant, un cri déchirant.
Apogée d’une œuvre.


« Everything is gone »


À Imago succède Nauticus.


« I am all you know »


Être unique dérivant dans l’espace…


« I’m everything… »


…et le temps. Traversant les éternités.


« …everywhere »


Une mélodie de luth nous parvient. Des images reviennent : celles des premiers hommes.
Réminiscences d’un passé oublié ?


La boucle est bouclée.


Nauticus.


Un être.
Conscience qui sommeille seule dans l’espace, le temps, l’éternité.
Dérivant.


La fin d’un cycle.
Renouveau.



Acte V – « I am »



Et la première pensée fut :
« I am! »



Acte VI – L’éveil



« I am! »


C’est aussi ce qu’on se dit quand on sort la tête de l’océan. Quand on s’éveille et qu’on émerge de BE.
On reprend subitement conscience de cette existence qui est la notre, et qu’on a clairement oubliée le temps de ce long voyage à travers l’histoire de l’Humanité.


Je suis !
Mais Dieu que je suis petit face un monstre pareil ! Face à un album aussi ambitieux.
Peut être pas l’album le plus abordable du groupe, et c’est bien là son unique défaut, mais le plus ambitieux… et le plus réussi !


Intense, juste et profond. BE est d’une variété ahurissante, mélodique et lourd à la fois. Une pièce maîtresse du métal progressif.
Des compositions riches et une incroyable maîtrise technique, tant dans l’instrumentation, le chant dont les prouesses vocales forcent le respect, que dans l’écriture qui donne une vie, une âme, une densité à l’œuvre de Pain of Salvation.


BE, c’est l’éveil des sens.


Imago est une explosion de couleurs. On y voit défiler les saisons sous nos yeux pendant que le vent semble nous souffler au visage.
La folle luxure de Dea Pecuniae me renvoie des images de ces mégalopoles qui ne dorment jamais, baignant dans une constante lumière bleutée.
Et qui ne sent pas cette odeur de fumée, cette noirceur, cette obscurité qui nous enveloppe à l’écoute de Nihil Morari ? Ce goût de cendre et de poussière crasse, ces nuages bruns qui voilent le ciel de Iter Impius ?
L’album du parfait synesthète en somme !
BE recèle une vraie puissance évocatrice que j’ai rarement ressentie dans un autre album. Et s’il ne vous renvoie sans doute pas les mêmes images, je doute qu’il puisse laisser indifférent pour autant.


BE, c’est l’éveil de la conscience.


Un concept-album. Et j’aime les concept-album !
Encore plus quand ceux-ci sont porteurs d’un message. Et le message de BE est lourd de sens.
Il nous raconte le cycle de la création. Comment Dieu crée l’Homme, comme celui-ci évolue jusqu’à s’autodétruire, et comment il crée un Dieu à son tour en espérant subsister.
Il nous dit que la réponse est en chacun de nous, que c’est à l’heure où nous avons sans doute le plus besoin de nous rassembler que l’individualisme nous guette.
Il nous dit que nous devenons esclaves de nos esclaves : l’économie, l’argent, le pouvoir. Toutes nos créations que nous pensons contrôler et qui se retournent contre nous.
Il nous dit que nous jurons, sermonnons et blâmons nos Dieux, le monde et la vie plutôt que de nous blâmer nous-mêmes.
Pain of Salvation nous dresse un portrait bien pessimiste d’une Humanité dans le déni. D’une Humanité qui détient la clé de son salut, mais qui par paresse ou égocentrisme s’apitoie sur son sort et court à la catastrophe.


BE est une mise en garde, un cri silencieux, une rage contenue, un triste espoir.
Il bouscule, interpelle, bouleverse, perturbe. Tout à la fois.


BE est doté d’une charge émotionnelle sans pareil.
On se sent porté par Imago. Pluvius Aestivus nous plonge dans la mélancolie. Le final de Dea Pecuniae emplit d’ivresse. Vocari Dei nous arrache une larme. Une rage sourde déferle à l’écoute de Nihil Morari. Iter Impius et son final épique font frissonner.
Rien n’est à laisser. Tout me transporte.
Transcende.


Il est malheureusement bien difficile de communiquer par de simples mots tout ce que l’on peut ressentir à l’écoute d’un tel album. C’est dommage.
Toujours est-il que j’aime particulièrement un vieil adage selon lequel :
« La musique ne s’écoute pas, elle se vit »
Et il n’a jamais eu autant de sens qu’avec BE.

Gilraen
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le 4 sept. 2013

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Gilraën

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