Cet album est apparu dans ma vie sans que je ne connaisse rien de son contexte. En revanche, le contexte dans lequel je me trouvais a joué un très grand rôle dans mon appréciation voire adoration presque mystique du disque.
Disque que j'ai fini par racheter il y a quelques mois, et ce en dépit de la proposition de mon père qui était prêt à me filer son exemplaire. Cette idée généreuse mais stupide et maladroite était en réalité une manière d'avouer qu'il n'a rien compris à ce qui me lie tant à cette œuvre.
Je suis tout sauf doué pour les dates, donc il est parfois un peu laborieux de situer mes souvenirs, mais je dirais que nous étions aux alentours de 2012. Aucune importance de toute façon, ce n'est pas la période du calendrier qui nous intéresse ici mais bien celle de nos vies à ce moment-là.
Pour des raisons qu'il serait inutile d'évoquer, la famille était quelque peu éparpillée et mon père nous conduisait régulièrement, ma sœur et moi, chez nos grand-parents. Il venait nous rechercher en début de soirée, quand la nuit tombait et que nous étions tristounets à l'idée de quitter nos vieux jusqu'à la prochaine visite.
Cette précision est importante, puisque c'est dans le noir complet - ou quasiment, selon la saison - que nous rentrions en voiture, en empruntant de petits chemins de campagne que seuls les phares de la voiture illuminaient et que seules ses roues arpentaient. C'est dans cette espèce d'ambiance d'expédition nocturne et solitaire que mon père démarrait systématiquement ce même disque. Dans une ambiance étrange, voire mystique. Inquiétante.
Voilà comment je décrirais ce qui pesait sur notre fragile cage en métal ces soirs-là, lorsque le silence morbide de ces champs déserts était brisé par des mélodies telles que Experience ou Five Thousand Nights .
C'est sans doute à ce sentiment unique que je dois ma fascination pour das Unheimliche, ou comme on le traduit très joliment en français, l'inquiétante étrangeté. Quelque chose d'impalpable, un malaise inexplicable mais intense. Et qui en plus de cela, est si intrigant qu'il attire plus qu'il ne dérange, si bien que l'on revient s'y plonger dès que l'occasion se présente à nous.
Déjà à l'époque, je profitais de la fatigue générale qui nous gagnait suite au trajet du retour pour réécouter discrètement cet artefact bizarre dans ma chambre, avant de m'endormir. Mais rien n'y faisait, la sensation n'était jamais exactement pareille.
Aujourd'hui, ces balades appartiennent au passé. Mais il m'arrive encore, lorsque les ténèbres font leur retour, de les rejoindre en pensée grâce aux ballades de Cardioid.