Que peut-on dire de la bande-son d’un film sans en avoir vu les images ? Ben en fait, c’est pas très grave: les créations sonores de Roach sont une invitation constante à fermer les yeux et se créer des films phosphéniques de cinéma gratuit, paupières closes. Certains fans hardcore y parviennent même les yeux ouverts. L’illustration de la pochette nous propose un rendez-vous avec nous-mêmes au milieu d’une plaine sableuse parsemée d’artefacts géologiques énigmatiques sous un ciel plombé, et induit la notion d’espaces désolés, ayant pris leur forme bien avant le début du disque, et qui persisteront longtemps après que l’auditeur sera retombé en poussière. A l’écoute il y a aussi une note de sérénité aquatique, comme un requiem pour crapauds. Pas de notes, pas de mélodies, cette année il n’en a pas plu, mais des états sonores semi-gazeux apparaissent, puis disparaissent. Méditons sur l’impermanence. Tranquillité des cratères martiens, sous lesquels des océans gelés patientent. « N’est point mort celui qui éternellement dort » pouvait-on lire dans le Necronomicon, vers qui s’applique souvent au fan de Steve Roach, tant il règne en ce lieu une atonie, un manque de vitalité, de vigueur qu’on peut vivre comme un lieu de repos ou de convalescence, loin des foules déchainées, parce que pas encore vaccinées.
Encore un disque publicitaire déguisé vantant les avantages d’être constitué de roches métamorphiques (granit, gneiss) : une sagesse minérale s’en exhale, parce qu’à part méditer, la seule activité pratiquée par les cailloux du coin, c’est l’érosion sous l’effet du vent et de la pluie.
Il rêgne ici un mystère qui manque parfois cruellement ailleurs.
Final très apaisé.