First Love
6.4
First Love

Album de Hikaru Utada (1999)

« Nothing can stop me… Only you will stop me. » - Movin’on without you (Utada Hikaru)


Me replonger dans les premiers albums de Utada Hikaru 20 ans plus tard après ne plus avoir écouté qu’une poignée de hits dans les deux dernières décennies, est-ce que ça passe ça ? Mais oui, tout à fait, complètement. Parce que bon, ma relation avec Hikaru (ou « Hikki » comme la surnomment apparemment ses fans japonais) est restée la même qu’aux débuts, une adoration pure et simple, pas d’adulation hypertrophiée du fan envers son idôle, rien de comparable avec le trip Björk que j’avais moi-même deux décennies plus tôt également par exemple.


Non, pas de livre sur Hikki chez moi à la différence de la chanteuse islandaise. Pas de remixes inédits en cd. Pas de compilation de clips (qui valent vraiment le coup d’œil chez Björk il faut le signaler) enregistrée sur VHS (merci MCM ou MTV je sais plus). Pas plus de concerts également sur bandes magnétiques (le live à Cambridge de Björk, très bien au fait). Enfin pas de précipitation sur un film qui la ferait tourner avec Catherine Deneuve (ce qui me fâcha d’ailleurs à ce moment là avec le cinéma de Lars Von Trier en plus de provoquer une fissure dans mon Björkamûûûr).


Si, compilation il y avait, toutefois.


Il faut se rappeler le contexte.


Les débuts d’internet, les premiers sites de partages avec le modem qui faisait son long bip pendant qu’on essayait de ramasser péniblement des pépites musicales venues d’un peu partout dans le monde même si ça ramait parfois pas mal. Les barrières avaient sauté (du moins le croyait-on), c’était la ruée vers la liberté, la culture enfin accessible pour tous, l’élévation de l’intelligence par l’Art (huhu qu’est-ce qu’on a été cons quand même hein).


Dans tout ça je tombe en extase sur un titre, « Letters », issu du 3e album solo alors de Hikki, « Deep River » (et sa magnifique pochette en noir et blanc). Grosse claque. Du r’n’b de qualité chanté en japonais : lyrique et groovy, un sens de l’écriture mélodique, le mélange réussi d’une production à la machine avec de l’organique (ces percussions mais aussi le piano qui sait intervenir dans le refrain avec panache), ces petits instants où la musique sait ralentir. Pas de doute c’est indéniablement brillant et peut rappeler une lointaine cousine américaine talentueuse, une certaine Alicia Keys (1) avec qui elle partage ce même sens inné de la mélodie qui est l’apanage des grand-e-s. A l’époque j’enregistrais beaucoup de choses sur mini-disc quand je ne gravais pas sur cd et comme l’internet était balbutiant autant que ma connaissance du japonais (2), j’inscris le nom de la compo dans ma liste de lecture comme « Sakura drops » et non « letters ». Monumentale erreur, comme aurait dit Schwarzy dans Last Action Hero. Car pendant longtemps j’ai cherché le mauvais titre, maudissant ma transcription. Ce n’est que bien plus tard que j’ai finalement retrouvé le titre en question…


…Lequel ne figure pas dans l’album dont je veux parler mais bon, hein. J’avais aussi il y a deux décennies de ça des compiles de ses compositions uniquement au piano. Quand je recherche ça sur la base de données qu’est discogs de nos jours, je ne trouve rien, c’est très bizarre ou alors personne n’a pensé à les rajouter visiblement (3). En tous cas ces disques ne faisaient que souligner l’aspect brillamment mélodique des œuvres de Hikki.


Du coup ce First Love ? Eh ben il passe crème.


C’est du r’n’b arrangé avec talent (le piano ressort souvent) où le chant sait se faire aussi voluptueux que le groove qui le transporte. Il y a même une influence dancefloor (« movin’on without you » et son énergie à faire danser les morts) quand ce n’est pas le hip-hop américain (les légers scratchs entendus sur « in my room ») ou la soul (la douce balade « first love » qui donne son titre à l’album) où l’on lorgne avec un certain délice sans jamais bêtement copier les références ou ce qui se fait déjà. Sur « Paint it black », l’intro semble nous emporter dans un album de Janet Jackson façon Rhythm Nation 1814 avant qu’à 34 secondes les synthés annoncent la couleur et d’imposer une patte personnelle différente sur ce titre fabuleusement enlevé. Les deux versions de « Automatic » (la version remixée club passe aussi bien que l’originale qui ouvre l’album) valent le coup d’œil.


Bref il n’y a rien à jeter là-dedans, on semble en territoire connu pour qui apprécie la soul et le r’n’b des années 90’s et 2000’s si ce n’est que c’est alors signé par une jeune japonaise prodige qui a tout juste 15 ans et dont l’album va s’écouler à plus de 7,65 millions de copies, la propulsant d’emblée vers le succès tandis que 2 décennies après, elle figure encore dans le classement des 100 artistes japonais les plus importants de tous les temps.


Parfois le talent n’atteint pas, il se trouve là au bon moment et est parfaitement justifié. On sait que de nombreux artistes passent les mailles de la reconnaissance et livrent parfois à peine une ou deux œuvres (souvent incroyables mais trop en avance sur leur temps et leur public) avant d’injustement disparaître. D’autres sont reconnus et entament une carrière brillante, prouvant qu’en plus d’être bons ils sont aussi des bosseurs acharnés, Hikki est de ceux-là et la suite de sa riche carrière allait le démontrer après cet excellent coup d’envoi.


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(1) Dont je ne citerais jamais assez le second album en 2003, « The diary of Alicia Keys », recommandé.

(2) Bon, ça l’est resté d’ailleurs sur ce point.

(3) La seconde option est la bonne. Ces deux disques existent bien et sont de Kenichi Mitsuda visiblement mais même sur sa fiche Discogs, il n’y a rien.




Nio_Lynes
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le 27 mai 2023

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