Putain ce que je l'ai attendu.
"Green Language", c'est cet album sur lequel je fantasme depuis de longues semaines. Je n'avais entendu que le duo de Rustie x Danny Brown ("Attack") qui m'avait transcendé, et j'avais encore en tête ce live très bref mais puissant, pendant le N.A.M.E.
Je ne vivais que pour ce deuxième album, après avoir été littéralement séduite par le premier album, "Glass Swords", datant de 2011. Un nouvel album, pour la rentrée, trois ans après le premier, et ce au beau milieu du revival de la musique électronique. Le contexte me semblait parfait. Plus l'intervalle entre les CDs d'un artiste est longue, plus l'album reflète le parcours, les mutations d'un artiste.
J'étais là, je me levais chaque matin en comptant les jours, espérant que cet artiste m'offre un album capable de m'accompagner alors que l'été touchait à sa fin. J'en avais assez du petit rock à la Yeah Yeah Yeahs, Little Daylights, que je ne garde que pour mes soirées pleines de solitude. "D'ici deux semaines, les vacances seront belles et bien finies, me disais-je en grimaçant un peu. Il me faut un album plein de vigueur et d'énergie, qui me donnera le sourire, qui marquera ma rentrée."
Et "Green Language" est arrivé. D'abord en ligne, avec un jeu vidéo - dans lequel je me suis plantée comme une merde - qui permettait de gambader au milieu des pixels tout en écoutant les musiques de l'album, puis, enfin, l'album, ses 13 pistes et son 320 kbs qui fait pleurer mes enceintes.
Croyez-moi, cette album est à la hauteur de mes espérances. Et même un peu plus haut. Le label ? "Warp", marque de bon goût (au même titre que les très bons Bronson Records, Turbo Recordings, BNR, qui cachent des pépites uniques). C'est frais, avec des tonalités célestes et très douces, qui restent dans la continuité de cette minimale avide de sons précieux que j'aime tant ("Paradise Stone", "A Glimpse"). C'est insolent, avec des sons comme "Attack", qui mixe des sons trap et le rap de Danny Brown, qui n'a plus rien à prouver (très bon mélange), ou avec "Raptor", véritable réserve d'énergie raveuse.
L'album oscille entre une paix étoilée et une violence délectable. On danse, on sent les moindres remous du rythme caresser nos muscles, puis on se pose et on respire. Du début à la fin, "Green Language" reste harmonieux (ce qui est rare, dans un album, je trouve). Enfin, "Glass Swords" l'était aussi, mais je peux lui reprocher quelques sons répétitifs. Rustie a une batterie de sons qui le caractérise, tout comme Booka Shade ou Gesaffelstein. Ce sont des artistes qui se sont appropriés des sons, qui sont désormais les leurs, au point que si quelqu'un d'autre les utilise, on fasse la remarque "on dirait du ..." (coucou Riton et son "Aloha Surfer" que j'ai pris pour un nouveau son de Gesaffelstein à cause de certaines tonalités, même si le son dans son ensemble était assez éloigné des schémas propres à notre Lyonnais préféré). Bref, tout ça pour dire que si, dans "Glass Swords", certains sons revenaient fréquemment ... Ce n'est plus le cas pour "Green Language". Rustie s'émancipe de ce qu'il a fait autrefois pour ouvrir une nouvelle page musicale. Et ça, j'applaudis.
J'le dirais jamais assez, mais je préfère un artiste qui prend des risques (quitte à se planter) et qui évolue plutôt que quelqu'un qui reste dans le même délire à vie (voilà pourquoi je n'ai pas retenu le dernier album de Die Antwoord dans mon cœur et voilà pourquoi je n'aime pas le cinéma de Xavier Dolan).
On retrouve Rustie et son énergie survoltée, qui, ici, prend encore plus d'ampleur qu'auparavant. Pas de rupture, de changement de monde ou de genre, Rustie est fidéle à lui-même tout en explorant avec précaution d'autres choses : des collaborations ingénieuses avec des voix qui se mêlent avec succès avec sa réserve de sons (Danny Brown, D Double E ...), une énergie insolente ("Raptor"), une légére influence 8-bit bienfaitrice après cette vague de techno sombre et tentaculaire ("Velcro"), des sons célestes et impressionnants ("Lets Spiral") ...
Bref, "Green Language", c'est tout sauf quelque chose d'ennuyeux. C'est un album vif. Et putain, ça, ça fait du bien.
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