Jorge Ben
7.8
Jorge Ben

Album de Jorge Ben Jor (1969)

je ne sais pas d'où me vient mon accointance particulière pour le Brésil.
Toujours est il que dès que j'entends quelques notes de guitare Bossa ou un rythme effréné de Pandeiro mon corps d'albâtre exagérément musclé se met à frétiller de haut en bas sous les accords brûlants de ces Cariocas huilés comme des beignets au sirop de glucose.
Les rythmiques lentes et caressantes ou les tempos rapides et saccadés fleurant bon la Cachaça et les plantes tropicales ont toujours eu sur moi cet effet euphorisant et quelque peu aphrodisiaque.
Une accointance étrange et presque surnaturelle me lie à la musique de ce pays sans que je sache d'où provient cette drôle d'attirance: Une quelconque origine Brésilienne qui coulerait dans mon sang Languedocien chargé en Gamma GT peut-être ?
Une chevelure bouclée noire ébène dégringolant lourdement sur mes épaules magnifiques rappelant ces jeunes éphèbes Brésiliens sortant majestueusement de l'eau verte d'une cascade ?
Ou peut-être ce cul magique taillé dans le marbre de Carrare, rond comme un ballon de Basket et lisse comme des joues de bébé; ce cul surnaturel que Mère Nature m'a gracieusement offert pour faire le lien - ténu comme une ficelle de string - entre les arrières-trains Sud-Américains dorés comme les blés et les fessiers pâlichons de notre bonne vieille Europe ? Hum ?
Beaucoup d'interrogations sur l'attraction musicale presque ésotérique pour ce pays tropical à mille lieues de mon Occitanie natale.


Et si il y en a bien un pour qui parler d' "attraction ésotérique" n'est pas exagéré c'est bien l'ami Jorge Ben Jor. Jorge Duilio Lima Menezes est né dans une favela de Rio de Janeiro en l'an de grâce 1945. Fils de footballeur, le jeune Jorge Ben sera longtemps tenté par une carrière sportive ( Il intégrera l'équipe junior du Flamengo, l'un des plus grands clubs de Rio.), mais c'est la musique qui va le happer un peu par hasard.
C'est en jouant guitare et Pandeiro dans quelques bars louches des bas-fonds de Rio la brûlante que le jeune Jorge Ben va se faire repérer par le directeur artistique de la maison de disques Polygram. En ce début des années 60 - juste avant l'étouffement progressif de la jeunesse et de la culture par la dictature militaire - le mouvement de la Música Popular Brasileira ( MPB ) vient tenter de revivifier, de ranimer le paysage musical Brésilien, alors en plein ressac de la grande vague Bossa nova qui déferla sur le Brésil au milieu des années 50.
Jorge Ben sort son premier disque en 1963. Por Causa de Você Menina et surtout Mas, Que Nada! sont de très gros succès qui assoient immédiatement Ben au sommet des nouveaux espoirs de la chanson made in Brazil. Mais en 1964 la junte arrive au pouvoir et met un coup de frein aux élans modernistes et démocratiques d'une jeunesse avide de liberté.
Les exils forcés, les emprisonnements arbitraires, les meurtres politiques se multiplient.
La musique Brésilienne se scinde irrémédiablement. D'un côté les artistes de la "Jovem Guarda" estampillés musique officielle par le gouvernement autoritaire et de l'autre les artistes engagés contre la dictature ( Caetano Veloso, Chico Buarque ou Gilberto Gil). Les temps sont troubles dans le Brésil des sixties et Jorge Ben a du mal à choisir un camp. L'homme n'est pas politisé, trop libre, trop indépendant, trop anticonformiste pour s'engager dans l'un des deux camps et cette non-prise de décision va lui jouer des tours. En effet, l'homme peine à trouver sa place dans le nouveau paysage musical Brésilien, ses albums suivants ne connaîtront pas le succès escompté et casseront le moral - pourtant jovial - du Carioca.
Après quelques années de galère, c'est une émission de télévision à laquelle il participera avec Caetano Veloso et Gilberto Gil qui relancera sa carrière et popularisera le mouvement Tropicaliste ( Mouvement musical contestataire en lutte contre le gouvernement dictatorial et les tenants d'une musique d'état fade et réactionnaire, mêlant divers horizons musicaux et sociaux - Psychédélisme, Rock, culture Hippie... - face au nationalisme violent des généraux.)


C'est donc en 1969 que sort l'album Jorge Ben. C'est le sixième album de Ben Jor qui n'est plus un débutant à la sortie du disque. C'est un homme qui a cinq albums derrière lui, un succès international - Américain ! - avec la reprise de Mas, Que Nada! par Sergio Mendès et une nouvelle légitimité dans les divers mouvements musicaux qui secouent la culture Brésilienne.
Et cette nouvelle reconnaissance, l'ami Jorge compte bien la mettre à profit et pas n'importe comment.
C'est à un grand chamboulement musical qu'il va se livrer.
Le Tropicalisme vient de desserrer le joug d'une variété Brésilienne "gnan-gnan" et statique; Ben plonge dedans tête la première et éclabousse durablement la "MPB".
L'homme, en grand sorcier Carioca sort la marmite et le livre d'incantations et vient mélanger dans le chaudron bouillant de la musique Brésilienne les ingrédients d'une potion magique encore inédite.
La Samba, ingrédient principal de tout bon cocktail do Brazil est agrémentée à toutes les sauces par le grand sorcier Ben. Il la marie avec de la Funk, du Rock, de la Pop...
Il la fait tourner dans une partouze géante comme une vulgaire femme de notaire. Il l'enferme avec ce vieux dégueulasse de Latin-Jazz ( Le sublissime Take It Easy My Brother Charles ), il vient caresser d'une main le joli petit cul rond d'une Bossa- Nova un peu délaissée ces derniers temps ( La sereine Domingas) tout en posant l'acide psychédélique sur la langue velouté de sa Samba ( Barbarella).
Au milieu de cette orgie de style, de cette partouze musicale débridée, il parvient tout de même à pondre un hymne indémodable, quelque chose qui touche directement à l'âme du Brésil, le manifeste musical du Tropicalisme, une ode pleine de fraîcheur et de sucre à son pays tropical: Le mythique (Pais Tropical).


Jorge Ben est l'album parfait pour entrer dans le monde musical riche et foisonnant de Ben Jor. L'album charnière de la carrière du Carioca. Le passage délicat de cette MPB traditionnelle vers une Samba explosive, expérimentale et déstructurée. Une "Samba Progressive", ouverte à tous les vents que Jorge va développer au fil de ses albums suivants et qui trouvera son point culminant sur les majestueux et très ésotériques A tábua de esmeralda (1972) et África Brasil (1976).


En 1969 Ben Jor sort son album et ouvre la boîte de Pandore sur la musique Brésilienne, noyant la Samba originelle sous la modernité musicale de l'époque, lui redonnant force et vitalité pour affronter la tête haute la décennie 70.


Et rien que pour ça. Merci Monsieur.

Ze_Big_Nowhere
8
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le 28 août 2016

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Ze Big Nowhere

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