[À double-album, double-critique : ici c'est la "Part II", qui se veut personnelle]
Il était un temps, pas si lointain, où SensCritique n'existait pas encore et où l'accès à Internet était limité. C'est en ce temps-là que j'ai posé les premières pierres de ma culture musicale, et faut bien se dire qu'on faisait avec ce qu'on avait.
Chaque semaine, j'avais mon petit rituel : j'allais emprunter 5 CDs à la bibliothèque de quartier, les lisais sur mon vieux lecteur CD-radio-réveil, puis les gravais sur l'ordinateur du paternel pour pouvoir les mettre sur mon MP3, et, la semaine suivante, allais les rendre et en emprunter 5 nouveaux (c'était le maximum autorisé).
C'était un peu à l'aveuglette que j'allais choisir les CDs parmi les milliers de disponibles, tout juste aiguillé par ce que j'entendais sur Le Mouv', avec quelques très bonnes pioches (des albums pris par hasard qui m'ont séduit : Metallica, System of a Down ou Deep Purple par exemple) et des plus mauvaises (Superbus, certains albums des Offspring...). Mais surtout, c'était une aventure solitaire jusqu'à ce que je fasse partager à un pote sous la forme d'une clé USB contenant le fruit des mes cueillettes, qui lui aussi en retour s'est mis à me partager des trucs comme Sum 41 ou Manau. Je sais ce que vous pensez, ça fleure le bon goût tout ça.
Or donc voilà ce cher ami qui revient des vacances de Pâques, avec un double CD gravé, que son oncle lui avait passé (une théorie fumeuse prétendrait que c'est le Diable en personne qui aurait pris son apparence ce soir là) en lui disant "Tiens, écoute ça." Le soir arrive, j'écoute les deux CDs, et en dépit du son dégueulasse, des pistes dans le mauvais ordre et sans nom, et de la longueur du tout, j'en ressors profondément changé.
Quelque chose dans ce disque a bouleversé ma vision de la musique. Non, le metal ne se résume pas à un tintamarre inaudible portant la voix d'un cochon qu'on égorge. Oui, il est possible de jouer aussi vite en restant percutant. Oui, il existe des musiciens qui racontent des histoires d'heroic fantasy. À ce moment, tout le reste m'a paru bien fade et je me suis senti vivre.
Cet album a aussi marqué le moment où mes pratiques musicales ont commencé à évoluer : aucune trace de Helloween à la bibliothèque de quartier, ni sur le Mouv' (qui allait bientôt changer sa programmation de manière putassière), il va bien falloir apprendre à chercher par soi-même... Internet donc.
Des mauvaises langues diront qu'avec Keeper of the Seven Keys, Helloween n'a atteint qu'une fois un sommet qu'ils n'atteindront plus jamais. C'est faux. Des milliers, des millions de fois au cours des années, ils ont réussi à produire un tel effet sur leurs auditeurs, à les toucher au plus profond de leur être. C'est peut-être à cela qu'on reconnait un grand album.
[Par ici pour la "Part I", plus universelle]