Judah Warsky sort un premier album solo où voix et mélodie pop semblent en perpétuelle lutte avec un traitement électronique plus abstrait. A moins que cela ne soit là une jolie symbiose…


On appelle ça un boulimique. Jugez plutôt : Judah Warsky est membre de Los Chicros, collaborateur de Turzi, plus épisodiquement de Syd Matters. Et quand ce guitariste se fracture la main, il choisit de sortir un album électronique : plus facile à maîtriser quand on est provisoirement manchot, a fortiori quand on choisit de n’utiliser qu’un seul Korg Microsampler. Cet accident ne conduit pas à une trahison – Judah s’appelle en réalité Matthieu ; le choix du pseudo peut alimenter les discussions de comptoir en matière de psychanalyse, – mais une aubaine ;, Judah Warsky étant obligé d’explorer une nouvelle face de sa personnalité. Un peu comme Robert Wyatt réduit au fauteuil roulant après sa chute et changeant ostensiblement d’orientation musicale ; un parallèle qui ne s’arrête pas à cette similitude d’accident.


Painkillers & Alcohol, c’est un peu la dissolution plus ou moins prononcée de la pop dans un bain d’électronique cosmique. Les contours initiaux sont plus ou moins visibles, certains titres chantées n’étant pas si éloignées de Los Chicros mais semblant désormais envahis de brumes (Oh combria et son exotisme soft, Universe et ses choeurs dignes des Beach Boys, Garden of Love et sa mélodie Depeche Mode-sque). Le disque s’ouvre d’ailleurs sur un titre symptomatique du travail de Judah Warsky, une voix de fausset s’élévant avec fragilité d’un véritable écran de fumée., La mélodie semble dessinée au fusain et la voix se retrouve finalement étirée et répétée devenant une pulsation rythmique ; , la pop indicielle est redevenue poussière, l’électronique a repris ses droits. D’ailleurs, le morceau suivant Asleep in The rain est le plus synthétique du disque, un univers déshumanisé, déserté et laissé aux machines dans une veine Kraftwerk. Et sur le suivant Failure to comply, les boucles répétitives et percussives, sont finalement revenir la ligne de chant pour un psychédélisme ethnique, d’un nouveau genre. Avec Judah Warsky, l’auditeur n’est jamais au bout de ses surprises, balloté sans cesse entre une pop cernée et une expérimentation plus abstraite. Que le Français s’inspire de Robert Wyatt (tiens le revoilà ), cela ne fait aucun doute. Mais que dire encore de l’Espace, seul titre en français, sorte de poésie de l’ère atomique, Judah Warsky s’essaye à beaucoup de choses.


In fine, alors que tout semble n’être ici qu’une lutte perpétuelle entre homme et machine, pop et électronique, figuration et abstraction, on peut trouver que la musique du Français ainsi agencée crée une harmonie qui lui est propre et qui est bel et bien réelle., Ce n’est donc pas un combat mais bel et bien une symbiose entre deux éléments, entre deux manières d’aborder la musique et c’est dans l’ensemble réussi.

denizor
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le 13 janv. 2017

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