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En 1969, lorsque Impulse a découvert que j’avais pas mal enregistré pour Byg, cela a cassé mon contrat, ce qui n’était pas génial. J’avais une famille de quatre enfants. Impulse était généreux, mais je ne pouvais pas y arriver avec seulement deux disques par an, et pas question d’avance. J’ai retravaillé plus tard pour eux avec Attica Blues et The Cry of My People…A.Shepp


Shepp, en plus d’être un musicien, possède de multiples cordes à son arc: compositeur, enseignant, dramaturge, agitateur et aussi poète… On connaît aussi son engagement politique, en secouant bien tout ça et en mélangeant, on obtient cette première face, composée de Mamarose, l’hommage à sa grand-mère et de Poem for Malcom, dédié à Malcom X, militant pour la défense des droits de l’homme et plus particulièrement pour la communauté Afro Américaine, il sera assassiné par des membres de Nation of Islam, mouvement politico/religieux qu’il avait quitté peu avant. Il symbolise avant tout la lutte du peuple noir contre le racisme et pour l’égalité des droits.


La musique est entièrement improvisée, d’après un canevas convenu à l’avance. La section rythmique s’échappe des règles habituelles pour libérer un flot continu d’énergie, le travail sur les cymbales et les percussions est particulièrement impressionnant, donnant le sentiment incessant du perpétuel retour, comme une succession de vagues déferlant à rythme régulier sur la plage… Alan Silva se pose en colonne vertébrale, laissant à son fidèle ami Burton Green le soin de marteler d’accord dramatiques cette très belle composition dont s’empare Archie Shepp avec un superbe solo de soprano.


Puis vient la déclamation de Poem for Malcom, avec des accents d’émotion très intenses soulignés par la basse grave d’Alan Silva, le ton sentencieux des tambours et la tension née de la répétition des notes et des accords au piano… Archie scande plus qu’il ne dit son hommage, déclamant les mots lentement pour en faire sentir toute l’intensité dramatique. La première face ne dure que 13’30 (de bonne zique) et s’achève ainsi…


Rain Forest débute par un solo de Shepp seul au saxophone dans un registre bluesy, entre plainte et cri, il est rejoint par les roulements de tambours de Philly Joe Jones qui intervient par intermittence, ponctuellement, dialoguant avec le saxophone par petites touches savantes… Archie reprendra ces exercices en solitaire ou en duo plusieurs fois lors de son parcours discographique, appréciant particulièrement la formule. D’ailleurs l’une des caractéristiques de Shepp, c’est son côté caméléon, mis au service d’une très forte personnalité.


Tout à coup tout s’accélère avec « Oléo », la composition de Sonny Rollins, qui jette ses feux. Il n’est pas anodin que Shepp reprenne Sonny Rollins dont il se rapproche par la similitude de sa technique sur le souffle, cette même respiration rapprochant irrémédiablement les caractéristiques de leurs styles. Hank Mobley est à nouveau aux côtés de la jeune garde et ne s’en laisse pas conter, délivrant de magnifiques solos incandescents ! Le fidèle Grachan Moncur III apporte à nouveau sa sagesse et sa contribution sur cette pièce qui termine l’album en apothéose.


Bon album, dans un registre original, dont on regrettera la brièveté.

xeres
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le 11 mars 2016

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