The Dream Is Over
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The Dream Is Over

Album de PUP (2016)

Rares sont les albums qui auront suscité une telle attente chez moi. Deux ans après un remarquable premier effort dont je me remets encore à peine, PUP est de retour avec un nouveau 10-titres à quitte ou double : le célèbre écueil du deuxième album n’est plus à présenter. Les Canadiens n’échappent pas à la règle, et s’ils avaient logiquement pris leur temps pour façonner au mieux leur self-titled, son successeur aura été bouclé en peu ou prou 8 mois, de la feuille blanche au mastering. Un processus concilié avec les incessantes tournées du groupe, dont l’hyperactivité aura coûté au frontman Stefan Babcock une vilaine hémorragie des cordes vocales qui remit un temps sérieusement en cause l’avenir de son organe, et du groupe. Plus de peur que de mal malgré un premier diagnostic alarmiste, et pied-de-nez au pessimiste spécialiste, c’est de sa funeste formule que sera baptisée cette deuxième galette : The Dream Is Over.


Le groupe offre mi-février une première mise en bouche, néanmoins bien connue des fans les plus assidus. L’hymne DVP squattait déjà les set lists depuis des lustres, voilà son statut fixé : ce sera le premier single, clip (génial) à l’appui. Que ceux qui craignaient une ballade folk sur les vastes étendues de l’Alberta se rassurent : DVP débite, déboîte. Un rentre-dedans de 2:30 à 180 à l’heure sur l’éponyme Don Valley Parkway de Toronto, tandis que Babcock hurle des lyrics aussi naïves qu’imparables.



« She says I drink too much, I fucked up and she hates my guts
I just don’t know what to do, I’m still fucked up over you »
- DVP



Cette fausse nouveauté est rapidement suivie par un premier inédit. If This Tour Doesn’t Kill You, I Will dépeint la haine viscérale entre deux bandmates qui ne se supportent plus ; une fable punk née d’une réplique cinglante mais amicale de Zack à Stefan. Le résultat est déroutant, presque incongru avec cette intro clean aux accents pop punk inhabituels ; le réveil n’en est que plus incroyable quand un riff déménageur de Steve Sladkowski vient lancer définitivement l’album, alors que résonnent les « Why can’t we just get along? » à l’unisson. PUP achèvera son teasing par un troisième single à double tranchant : la bien-nommée Doubts est évidemment une réussite absolue avec ses changements de rythme insolents, portée par des paroles une nouvelle fois délicieuses de sincérité où Babcock exorcise les déboires sentimentaux que peut générer la vie de musicien.



« I haven’t felt quite like myself for months on end
I spend more nights on the floor than in my own bed
And I never see my family or my friends anymore
And I write more apologies than metaphors »
- Doubts



Mais elle soulève également quelques interrogations, notamment sur le jeu de Steve Sladkowski, pas forcément mis en avant sur ces 3 premiers extraits (c’est même Babcock qui joue la mélodie lead de Doubts). Le premier des 7 titres inédits au moment de la sortie se veut rassurant sur ce point, alors que Sleep in the Heat démarre en trombe sur un riff mariachi sautillant après une intro rappelant les sonorités de Japandroids. Si le chant très haut-perché est déroutant au premier abord, et si les chœurs mielleux de la dernière partie ne sont pas du meilleur goût, cette chanson s'avère être une belle surprise dans la lignée directe de sa grande soeur Mabu avec qui elle partage indiscutablement des similitudes. Au-delà de l'instrumental, Sleep in the Heat raconte les derniers jours du caméléon de compagnie de Babcock, dans un texte déchirant de sincérité et d'amour, contrastant avec la composition sautillante et s'imposant donc comme suite assumée de l'ode à la vieille Camry familiale.



« And I want you to know that I'd spend every bit of my
Pitiful savings and loans
Just to see you again
But I know I won't »
- Sleep in the Heat



La deuxième partie de l’album vient d'abord confirmer les quelques inquiétudes émises : il semble que The Dream Is Over fasse la part belle aux mélodies vocales, un peu moins inspirées que sur le premier opus, plutôt qu’à la guitare lead. Rares sont les riffs qui restent en tête, résonnant presque comme des paroles, comme ce fut le cas sur Guilt Trip, Dark Days ou encore Cul-de-Sac.


Celles-ci se voient remplacées par des compositions plus quelconques, dans une veine pop punk qui n’est pas sans rappeler les tourmates de Modern Baseball. My Life Is Over and I Couldn’t Be Happier et Can't Win relèvent de l'anecdotique, ce à quoi PUP nous avait peu habitués. On regrettera notamment le dosage des gang vocals, ces chœurs à l’unisson omniprésents (et un peu envahissants) sur l’album. Un constat auquel n’échappe pas l’énergique Old Wounds, pleine de bonnes intentions fracassantes mais hélas trop brouillonne pour tirer son épingle du jeu. Ce bloc de trois titres crée un léger ventre mou dans la tracklist, et Familiar Patterns tombe alors à point nommé : si PUP cherchait la recette de son renouveau pop-punk, elle est là en chair et en os. Refrain à deux étages, lyrics une fois de plus bluffantes de sincérité, bends en pagaille d'un Steve libéré (c'est d'ailleurs sa chanson préférée du disque) ; Babcock nous ouvre une porte de plus vers son univers de songwriter amateur dans l'âme, où les doutes de la vie d'un musicien nous frappent de plein fouet - un uppercut de pudeur.



« They used to say, 'don't quit your day job'
Well guess what?
I've never had one! »
- Familiar Patterns



Déjà l’heure du bilan ? Oh que non. Accrochez-vous à vos escarres, il reste deux titres et pas des moindres. On connaît la tendresse de Stefan Babcock pour son Canada natal, déjà dépeint avec plus ou moins de mélancolie dans Yukon ou Dark Days. Dans ce Dream Is Over résolument plus sombre, c’est The Coast qui succède à la première nommée, dans un conte splendide de noirceur sur les cadavres repêchés dans un lac vorace qui prend la forme d’une métaphore de la vie qui nous ronge. On est projeté sans pitié sur l’étendue gelée de la triste ville de pêcheurs, redoutant que sous nos pieds se dessine notre tombe, dans une ambiance maussade qui n’est pas sans rappeler le Humbug des Arctic Monkeys. Steve Sladkowski se libère enfin, alternant squeals minutieux et solos frénétiques, tandis que Babcock nous décrit l’impitoyable lac dans d’impeccables lyrics.



« This town is always on alert
In the spring they patrol the coast fearing the worst
But noone can seem to accept the fact
The lake gives us life and she takes it back »
- The Coast



The Coast est la véritable pépite de ce Dream is Over, ce genre de chansons qui change la face d’un album. Reste alors à parachever le tableau ; le premier album avait l’immense Factories, on était donc en droit d’attendre une bombe atomique en guise de conclusion. Il n’en sera rien, du moins pas tout à fait : Pine Point est la première ballade de PUP, mais elle n’a rien du titre mièvre inséré pour séduire la ménagère. Après nous avoir raconté les derniers jours d’un pendu près de l’usine voisine, Babcock nous emmène dans la ville fantôme de Pine Point, laissée pour morte depuis que la fermeture de la mine en son poumon. Le texte est poignant, poétique de simplicité, alors que le chanteur rassemble les derniers souvenirs douloureux de sa ville natale.



« In Pine Point, where I was born, the roads are all overgrown
And noone’s lived there for years
The town was never the same, the mine was closed in 88
And everyone disappeared
In Pine Point, 86, my older brother died when we were kids
His best friend was wasted at the wheel
Oh in Pine Point, nothing but memories
The abandoned cemetery where we buried our family »
- Pine Point



Pine Point apporte une étonnante conclusion à un album finalement assez ambitieux. PUP a changé, et c’est normal. La bande de copains qui mettait en musique les compositions folk de Stefan Babcock a grandi, et est devenu un vrai groupe qui joue collectif ; il en résulte une représentation plus fidèle des personnalités de Steve, Zack et Nestor, et un output tantôt plus heavy, tantôt un peu trop léger. The Dream is Over n’est pas parfait, loin de là, mais il passe avec assurance et fierté le difficile cap du deuxième album. Il reste à PUP ce qu’ils savent faire de mieux : remonter sur scène pour faire vivre une musique qui ne demande qu’à être partagée. Le rêve continue.


Sources:
http://www.culturecreature.com/pup-band-interview-zack-mykula/
http://diymag.com/2016/03/01/pup-interview-the-dream-is-over-in-the-studio

Créée

le 23 mai 2016

Critique lue 477 fois

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Jambond

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