Ah ! le voilà le fameux premier album. Celui par lequel tout a commencé. Celui qui ne mentionnait pas d’artiste sur sa pochette, seulement ce titre intriguant, Ayreon : The Final Experiment. Sorti en 1995 par Arjen Lucassen, multi-instrumentiste hollandais encore méconnu à l’époque, ce devait être le point de départ d’une œuvre beaucoup plus vaste qui ne s'achèverait que 13 ans plus tard avec 01011001 : ce qui deviendra le projet Ayreon. (EDIT : 22 ans plus tard depuis la sortie de The Source en 2017 finalement !)
Avec The Final Experiment, l'ambitieux Arjen Lucassen sortit ce que l’on peut considérer comme le premier metal opéra, transposant ainsi au monde du metal ce que le rock progressif avait déjà inventé avant lui. Le compositeur fit donc appel à toute une panoplie d’artistes hollandais - pas moins de 13 chanteurs et 7 instrumentistes - pour donner vie à son projet fou. Il en résulte un album-concept de metal progressif déjà bien marqué par le style Ayreonnesque qui s’affirmera par la suite ! Des morceaux assez longs, divisés en chapitres, breaks instrumentaux et surtout cet inimitable mélange des genres entre heavy, folk et électro. On y retrouve les innombrables couches d’instruments chères à Lucassen, et encore une fois la dominance du clavier (quoique moins prononcée qu’elle pourra l’être sur certains autres albums). Bien que très maîtrisé pour un premier jet, on notera qu’Arjen privilégie la composante mélodique à la technicité sur The Final Experiment, même s’il faut bien avouer que certaines pistes font un peu kitsch désormais.
En fait, ce qui marque sur cet album, ce n’est pas vraiment sa qualité intrinsèque mais sa singularité dans la discographie. Lorgnant clairement vers un metal médiéval exacerbé par l’utilisation d’instruments peu communs tels que mandoline, clavecin et cuivres, TFE surprend. Bien sûr, on y reconnait la patte Ayreon, mails il fait quand même figure d’ovni à côté de ces successeurs. Musicalement, ce TFE a une identité propre, il nous embarque dans son ambiance moyenâgeuse, et c’est je pense ce qu’il faut retenir de cet album.
Concernant l’histoire, on remonte loin dans le passé jusqu’au début du Haut Moyen-âge. Ayreon, un ménestrel aveugle reçoit des visions de l’extinction de l’humanité. Pour lui, il s’agit là d’un avertissement : il semblerait que les hommes soient condamnés à subir un funeste destin s’ils développent à outrance leur technologie. Ayreon tentera de diffuser son message, mais sera-t-il pris au sérieux par ses contemporains ?
En lui-même, cet album est "juste" sympathique. Mais c’est une fois replacé dans son contexte qu’il prend véritablement tout son sens. The Final Experiment est le premier opus d’un arc narratif qui s’étend sur 8 albums, développant l’univers colossal et la mythologie de Lucassen. Un univers dans lequel la race humaine s’éteint en 2084 lors d’un ultime conflit mondial. Un univers riche d’enseignements dans lequel le message d’Ayreon, à l’origine de tout, s’est perdu dans le temps. Perdu ? Peut être pas finalement, puisqu’il perdure à travers cet album qui s’inscrit comme une ingénieuse mise en abîme de l’histoire qu’il nous raconte. Arjen n’est-il pas le Ayreon de notre monde ? N’est-il pas cet humble ménestrel qui tente de délivrer son message ?
C’est ce que j’aime avec Lucassen : il ne laisse rien au hasard. Son travail est impressionnant de cohérence et de précision et je ne peux que vous conseiller de plonger dans l’aventure. Pour ma part, je finis par le début, la boucle est bouclée, et le voyage fut mémorable, digne des meilleures œuvres de SF.