Après avoir signé la BO de sa propre vie de doute avec We Cool?, l’intrépide Death Rosenstock ressurgit un an et demi plus tard avec un nouveau rejeton tout aussi aigre-doux. Et quitte à parler de son inquiétude, autant l’afficher en police 55 sur la pochette du disque. WORRY. le bien-nommé reprend le travail là où son grand frère l’avait laissé : l’opener We Begged 2 Explode pose tranquillement le décor, comme une douce reprise dans la continuité de Darkness Records. Et les démons de Jeff sont toujours là.
Laura said to me, ‘This decade’s gonna be fucked’
(We Begged 2 Explode)
On comprend vite que si We Cool? était relativement auto-centré, WORRY. se veut plus "conscient" et les problématiques plus sociales. Il en va de même pour la composition qui reprend les mêmes ficelles en s’étoffant quelque peu : les hooks sont toujours aussi efficaces, on retrouve cette patte Weezer reconnaissable entre mille et ces synthés à gogo ; mais Jeff va résolument plus loin dans les sonorités, au point de passer à une formation à 5 sur scène. Sur tous les aspects, WORRY. ressemble à une tentative de passer un cap.
Pendant un temps la recette tourne tranquillement, portée par cette écriture terre-à-terre qui fait la marque de fabrique de Jeff Rosenstock. Avec ses mots, il nous partage sa frustration liée à des thématiques sociales très actuelles comme le marketing ciblé (Festival Song) ou la gentrification (Staring Out the Window), de sa ville qui change sans prendre le temps de s’arrêter pour expliquer… L’album est donc beaucoup plus politisé que We Cool?, qui se cantonnait plus à l’esprit torturé de Jeff. Pendant un temps tout va bien...
Et puis ça part en couille. La face B est un véritable feu d’artifices où Jeff traverse décor après décor, nous malmenant dans une course-poursuite effrénée à travers un univers mêlant power pop, ska et punk. Alors qu’on semble au bord de l’éjection sur Planet Luxury, toute la tension s’écroule subitement alors que commence un deuxième medley, la vraie merveille de ce WORRY. 5 titres qui résument tout, toute l’énergie de cet OVNI de disque et toute la puissance des mots de Jeff Rosenstock.
I wanna let you know while you’re alive
Cause everybody loves you when you die
(...While You're Alive)
Qu’est-ce que j’aimerais écrire comme ça bordel. C’est peut-être niais mais je trouve qu’il le dit tellement bien : évidemment que tout le monde t’aime quand t’es plus là. Ce type a un don pour juxtaposer la détresse et l’amour, pour te raconter à quel point il veut te serrer dans ses bras dans un texte sur la violence policière (The Fuzz). C’est pour ça que WORRY. est génial : c’est un putain d’hymne à l’amour de 17 titres. L’amour vrai, celui qui te prend aux tripes et qui te réveille la nuit. Avec des albums comme ça, je sais pas si on peut mourir tranquille, mais bordel… quel pied !
And it’s not like the love that they show us on TV
It’s a home that can burn, it’s a limb to freeze
It’s worry: LOVE IS WORRY
(...While You're Alive)