Albini n'est pas mort
Le rock est encore vivant et donc Steve Albini aussi. On pourra reprocher à ces Cloud Nothings un certain manque d'originalité mais quelle efficacité ! Allez les vieux cons, debout !!!!
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le 31 oct. 2012
2 j'aime
D’un côté Mark Lanegan, bientôt cinquante balais, une reconnaissance acquise sur la foi d’une carrière riche en collaborations prestigieuses (Kurt Cobain, Queens of the Stone Age, Isobel Campbell) sillonnant entre le blues, le grunge et le folk. De l’autre Dylan Baldi, la vingtaine fraîche, et seul aux commandes de Cloud Nothings, officie dans le post-punk. La sortie commune de ces deux albums incite forcément à la comparaison, et franchement il n’y a pas photo : la spontanéité et l’urgence de Baldi effacent littéralement la nonchalance un peu empruntée d’un Lanegan qui semble se chercher en tâtonnant.
La voix nourrie au cocktail bourbon/cigarette de Mark Lanegan sied parfaitement au mid-tempo, c’est un fait. Le chanteur prend son temps, et l’on sent que c’est la musique qui est tout entière au service de sa voix rocailleuse, pas l’inverse. Jamais l’américain n’élève le ton, et d’ailleurs pourquoi s’évertuer à crier ou faire des vocalises quand un timbre seul suffit à imposer une présence ? Sur le plan du rythme, de la respiration, Blues Funeral est donc irréprochable, on sent Lanegan très à l’aise. Sans doute trop. Car on sent pointer derrière cette indolence maîtrisée une production un peu tape-à-l’œil qui pollue les compositions. Chaque chanson semble en effet destinée à marquer son empreinte, se distinguer des autres par des effets très visibles dans le traitement des instruments. « The Gravedigger’s Song » impose une basse gutturale, « Riot in my House » signe le règne d’un riff soliste façon stoner quand « Quiver Syndrome » offre un traitement de guitare lo-fi qui lorgne clairement vers le punk glacé de Hüsker Dü. « Ode to Sad Disco » parle par lui-même, mais le duo boîte à rythme/basse synthétique est très convenu, et les tentatives ambient de « Harborview Hospital » tournent court, tant le beat et les claviers enrobés de guitare delay sont prévisibles. Bref, Lanegan, à force de bouffer à tous les râteliers à coups de recettes toutes faites a construit un album pas désagréable mais assez impersonnel. Un disque qui s’égare.
Baldi offre lui en moins de trente minutes un condensé de rage qui laisse la place à tous les débordements, le tout dans le cadre pourtant balisé du post-punk. Le jeune homme n’invente rien, il regarde clairement dans le rétroviseur du côté de Shellac (d’ailleurs Steve Albini est à la production), et des anciennes gloires du punk mélodique (Ramones, Buzzcocks etc.). Mais sa marche arrière il la fait à fond les ballons, sans filet et c’est cela qu’on aime. Attack on Memory se vit comme une course effrénée, qui prend son départ dans la pesanteur et la puissance rentrée (« No Future/No Past » est douloureux comme un accouchement) pour ensuite laisser se déchaîner des forces qui tournent sur elles-mêmes (« Wasted Days », sa mélodie en boucle et son interlude expérimental bruitiste percutant), ou s’abandonner à des dérives vocales impressionnantes. Baldi hurle (« No Sentiment ») aussi bien qu’il chante (« Fall In ») et sans conteste l’énergie qui se dégage de Attack on Memory, c’est en partie à sa liberté vocale qu’il la doit. Il en a certainement conscience, si l’on en juge par sa vision du seul morceau instrumental de l’album : parce que pas un mot n’y est prononcé, « Separation » est joué à un tempo presque déraisonnable, tête baissée pendant trois minutes, afin que la vélocité du rythme suffise à faire oublier l’absence de paroles.
Voilà donc deux disques humbles, qui jouent sur des terrains connus, mais dont la qualité se jauge à l’aune de l’implication que les deux compositeurs semblent avoir mis dans leur projet. D’un côté Mark Lanegan a choisi la diversité mais sa voix caverneuse ne suffit pas à étayer des chansons qui semblent avoir été composées un peu paresseusement, qui ne s’élèvent jamais au-dessus de leurs modèles. Cloud Nothings, c’est au contraire une voie toute tracée, sans surprise ni virages, un boulevard dans lequel Dylan Baldi semble s’être enfoncé corps et âme pour donner à chaque chanson suffisamment de force pour faire oublier le temps d’un disque court et prenant les artistes qui l’ont influencé.
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Créée
le 2 janv. 2019
Modifiée
le 12 juin 2024
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