Constance
7.9
Constance

Album de Southpacific (1999)

La simplicité, ça a du bon.


Il n’y a pas besoin d’être complexe pour être riche. Il n’est pas non plus utile d’étaler son savoir-faire devant une assistance pour démontrer à quel point on est talentueux. Le plus compliqué finalement, ce n’est pas de noyer ses auditeurs sous une pluie de notes. Non, le plus difficile, c’est de n’en choisir que quelques-unes : les bonnes.


Southpacific est à classer dans cette catégorie d’artistes jouant sur peu d’éléments. Préférant stimuler notre imagination avec des idées simples, tout en les tordant pour les rendre inhabituelles et surtout envoûtantes. Une formidable machine à rêver qui élargit son champ de recherche avec son second et (déjà) dernier album.


Constance n’est pas un simple disque de post-rock et c’est ce qui a toujours fait la force de ces Canadiens. A l’image des meilleurs groupes du style tels que Bark Psychosis, Talk Talk ou encore Disco Inferno, ils sont inclassables car nourris d’influences diverses souvent éloignées du rock. Le space rock et le shoegaze sont encore des pistes privilégiées, puisque la musique reste attachée à utiliser des guitares en forme de nappes. Comme des claviers donc très proche de l’électro dans la démarche. Évidemment, elle stationne aussi dans les hauts cieux d’un rock planant et dense avant tout, à l’instar des débuts de The Verve.


« Alamo » jette des regards vers le ciel mais ne s’enfonce pas dans l’apathie, grâce à une batterie groovy. Puis quand il s’agit de nous envelopper dans un marécage de textures de guitares, « Parallel Lines » fait très bien l’affaire. Les mélodies n’en demeurent pas moins présentes comme sur l’irréel « Analogue 9 » ou la ritournelle acoustique de « A Better Life Since ». Des voix humaines (presque inaudibles) font même une apparition inédite dans l’univers de ce mystérieux trio sur le très beau « Built to Last ».
Post-shoegaze oblige, la douceur de Constance n’exclut pas l’expérimentation. « E10 @ 182 » confirme le goût de leur bassiste pour le dub le plus lancinant et impénétrable. Des aventures ambient commencent à faire leur apparition (« Aria » et « Pintail Gate ») et les sonorités les plus aiguës surgissent sans prévenir pour faire vibrer nos tympans comme jamais d’autres musiques ne le feront (le déroutant « Instrumental »). « Telegraph Hill » va également voir du côté d’un post-rock plus "classique" en proposant sa propre version du crescendo.


La bande s’amuse à diversifier encore plus ses intentions par rapport à leur déjà époustouflant premier album. Chaque segment exploré fait preuve d’une maturité étonnante, ce qui laisse deviner que les compositions ont longtemps été peaufinées à l’extrême en studio. Ce rock planant n’en reste pas moins très simple dans ses intentions. Mais ses idées sont si judicieusement choisies qu’elles atteignent une certaine forme de perfection dans les meilleurs moments (« Automata »). Cela explique pourquoi une musique aussi minimaliste évite facilement l’écueil de la répétition jusqu’à la nausée. Quand les bonnes notes sont choisies, cinq minutes peuvent donner l’impression de n’en faire seulement que deux.


Avec du recul, il est stupéfiant de remarquer que Constance sera l’ultime travail studio de Southpacific. Encore plus étrange, le groupe s’est séparé la même année de sa sortie. Alors que le post-rock n’a pas encore balancé ses dernières cartouches avant de sombrer dans une répétition insipide des formations les plus médiatisées.
Pourquoi autant de précipitation ? Nul ne le sait. Mais en l’espace de deux malheureux CDs et en quatre ans de carrière, ils ont su faire évader nos esprits pour rejoindre un espace rempli d’onirisme et de beauté. Avec une musique discrète, non violente et pourtant d’une puissance évocatrice hors du commun.


Chronique consultable Forces Parallèles.

Seijitsu
9
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le 22 nov. 2015

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