Darkness in the Light par Joro Andrianasolo
« Retourner sa veste » : quelle meilleure illustration de cette expression que ce cinquième album. Pour rappel, Ken Susi disait lors d'une interview en novembre 2008: « Les groupes qui pratiquent notre style ont tendance à mettre de plus en plus de chant clair dans leur musique aujourd’hui. Mais si tu veux mon avis, c’est de la connerie. Le metal est en train de crever à cause de ça. » Et c’est ce même Ken Susi qui a pris le micro pour apporter une toute autre couleur au Unearth qui avait jusque là su garder la sympathie du public metal en général. Besoin d'explications ?
«Formaté», voilà le premier mot qui devrait venir à l’esprit de ceux qui découvrent ce Darkness in the Light (encyclopédie des titres très recherchés). Pour les fans de la première heure, ce sera une amère déception. Il y a un peu plus d’un mois, votre serviteur concluait en chroniquant l’album de The Soulless qu’ils étaient bien trop génériques pour prétendre à autre chose qu’une place de « Unearth-like ». Nous constatons aujourd’hui avec horreur que ces mêmes Unearth pris comme référence sont aussi capables du pire. Des exemples ? “Last Wish” semble tout droit sorti du Isolated sorti en Mai … en fait il ressemble aux pires morceaux de cet album. Toutes les compos du cru 2011 auraient pu être pondues par un quelconque combo du fin fond des Etats-Unis ou d’ailleurs. “Watch it burn” donne le ton: riff bof bof, solo convenu et … mais qu’est-ce que c’est ça ?? Du chant clair ?? Sacrilège !! N’importe qui aurait fait ça, mais pas eux !! Pas Unearth ! Il ne s’agit même pas de voix agressive-mélodique ou de modulations entre hurlé et chanté, non c’est du chant clair totalement GAY !!
Et Dieu que c’est envahissant, ça ne dure même pas quelques secondes le temps d’un morceau comme à l’époque de The Oncoming Storm, il y en a beaucoup plus ! “Shadows in the Light”, “Overcome”, “Last Wish”. Sans blague, le groupe est-il encore différent d’As I Lay Dying (qui sont très bien mais dans LEUR registre) ? Si encore, les chansons arrivaient à faire décoller l’auditeur du sol, on pourrait leur pardonner ce petit écart de conduite, mais l’ensemble est malheureusement très plat. Restent les solis, fort bien exécutés dans l’ensemble (les plus marquants sont ceux de “The Fallen”, “Ruination of the Lost” et “Last Wish” qui sauve de justesse un morceau plutôt chiant), mais loin d’avoir le groove monstrueux d’un The March. On sent que McGrath et Susi s’éclatent mais ils ne peuvent pas construire tout l’album à eux deux. Même le Unearth hargneux qu’on connait tous peine à satisfaire (“Eyes of Black”).
On retrouve bien quelques réminiscences de leurs meilleures années, mais ils ont déjà fait tellement mieux auparavant que tout ceci paraît terriblement fade.Allez quitte à rompre ouvertement avec les postulats du passé, « tentons quelque chose de totalement inhabituel » ont-ils dû se dire. Le résultat : “Equinox”, intro et final au piano véritablement surprenant de leur part, vociférations furieuses de Trevor Phipps … dommage que ça soit aussi court. “Overcome” aurait pu être un morceau sympa sans ce foutu refrain minaudé. Bordel, les lead guitar suffisaient largement ! Il n’était nul besoin de rajouter une couche de guimauve. Ceux qui me connaissent savent que j’apprécie les mélodies sucrées, mais chez Unearth ça ne passe pas ! “Coming of the Dark” évoque l’énergie quasi-punk d’un “My Will Be Done”, dommage que ça sonne déjà entendu sinon le morceau serait en place parmi les tueries.
Pourtant il n’y a pas réellement eu de changement dans le genre, toujours ce même heavy/thrash/core (un peu moins thrash depuis The March), juste l’ajout abusif de chant clair putassier. Et entre temps une certaine perte d’inspiration qui les a rendus faciles à confondre avec n’importe quel autre groupe du genre. “Disillusion”, voila si bien résumée le ressenti général après l’écoute de Darkness in the Light. Si l’on croyait qu’Unearth resterait inébranlable face aux sirènes du metalcore lambda, cet album a vite fait de nous ramener les pieds sur terre. Et comme pour essayer de se faire pardonner, ils ont ressortis leurs cojones sur le morceau final, à n’en pas douter le plus couillu de l’album avec “Ruination of the Lost”. Dommage qu'ils n'aient pas eu cette même attention tout le long du disque ...
C’est donc ainsi, tôt ou tard, les gardiens du feu sacré finissent par succomber à la tentation. Qu’importe les discours hyper convaincus qu’ils tiennent … « Ce qu’on a créé de plus solide depuis The Oncoming Storm » qu’il disait Trevor Phipps … mouais, c’est pas gagné. A voir, ça plaira peut-être à ceux qui n'ont jamais entendu parler d'eux ou n'ont jamais écouté de metalcore de leur vie. Moi je retourne écouter les 3 albums d’avant.