Deaf, Dumb, Blind: Summun, Bukmun, Umyun par Lawliet
Pharoah Sanders délaisse un peu les paysages éthérés de "Karma" pour revenir ici à des arrangements plus traditionnels, plus "ethniques" aussi. En résultent deux compositions assez inégales, qui se veulent comme autant de quêtes des racines africaines du jazz. "Summum, Bukmun, Umyun" est excellente, dans la lignée des longs jams instrumentaux et progressifs que nous offrait déjà "Tauhid", et que nous offrira plus tard "Black Unity". Le passage le plus intéressant survient avec l'utilisation de "cuivres arrangés" (je me permets de les appeler ici sur le modèle du piano arrangé d'un John Cage*). Il m'est difficile de mettre des mots sur de tels instruments. Toujours est-il qu'ils sont à la fois dissonants et agréables. La magie de Sanders, une fois de plus, opère : il fait paraître comme évidentes des choses qui ne sont pas à leur place. La seconde piste de l'album est, en revanche, plutôt en retrait. Elle se présente comme une sorte de perpétuelle apothéose musicale qui ne trouve pas de justification, et sonne du coup un peu creux. A titre de comparaison, imaginez un feu d'artifice qui commence par le bouquet final. Cette impression est d'autant plus grande lorsqu'on a en tête une autre composition de Sanders, "Upper Egypt & Lower Egypt", qui exploitait fort bien le schéma gradateur quelques années plus tôt. Bon album certes, mais qui sonne peut-être inachevé, ou, plus encore, précipité.
* = http://www.senscritique.com/album/Works_for_Piano_Prepared_Piano_Volume_I/5766868