Binker & Moses – Feeding The Machine (2022)
Un album acheté le vingt-cinq février de cette année, en même temps qu’il est sorti. La livraison était prévue mi-avril, ce qui est large, pourtant rien ne vint, du coup fin avril je relance… Le début d’un échange de courriers plein de suspens, car je suivis de loin le trajet du vinyle qui, par erreur, fut envoyé vers le Japon, puis retourna en Angleterre, avant de finalement arriver hier, accompagné d’un 45 tours en cadeau, ou plutôt en dédommagement de la longue attente.
Je suis fidèle aux nouvelles parutions de ce duo : elles se tiennent toutes bien rangées dans les rayons classées lettre « B », depuis «Dem Ones », paru en 2015 . Celui-ci est donc le cinquième dans la lignée, et même le sixième si on compte « Village Of The Sun », indispensable EP sorti en 2020. Cependant, il brise un peu le « train-train » un peu routinier de ces sorties, pourtant toutes parfaitement calibrées, il fallait ajouter un grain de folie, une prise de risque inattendue et oser l’audace au détriment de la sécurité.
« Feeding The Machine » sera l’occasion de ce tournant artistique. Ce dernier possède un visage et un nom, celui de Max Luthert, bien qu’il ne soit pas présent visuellement sur les photos de pochettes, ces dernières ne trahissant que quelques silhouettes, il est vrai. Pourtant il est bien signalé entre les deux musiciens au verso, « Live Tape Loops And Electronic Effects », il est également crédité en même temps que le duo pour les compositions.
Ce dernier point est également révélateur d’une démarche, car ils sont tous les trois entrés à l’intérieur du « Real World Studio », ces vingt-neuf et trente et un mars, sans a priori, ni idées préconçues, un peu les mains dans les poches, mais, on suppose tout de même que les têtes étaient bien pleines et les volontés bien déterminées, car, à la sortie, l’objectif commun est atteint.
Ce tournant se fait au détriment d’une certaine orthodoxie qui habitait le duo, mine de rien l’effet « Luthert » a créé une sorte de déflagration dans l’équilibre jusqu’alors maintenu, fini ce post bop un peu classieux qui se baladait dans le paysage Londonien, marquant une sorte d’équilibre entre classicisme et modernité, cette fois-ci l’apport électro a transporté l’ensemble de la musique du duo.
D’ailleurs ça s’est fait « mine de rien », le bouleversement pourtant bien réel n’apparaît pas si définitif, et pourtant, au fil des plages, tout change, l’équilibre total régnant jusqu’alors semble un lointain souvenir, les boucles, loops et autres effets se sont insinués dans la matrice.
Le changement en soi n’est ni bon ni mauvais, mais ici il ouvre de nouvelles perspectives, de nouveaux espaces, et des territoires, encore inconnus au duo, à défricher. A l’écoute de « Accelerometer Overdose » ou de « Asynchronous Intervals » qui ouvre le bal, ou encore avec le très beau et contemplatif « Because Because », exotique et lointain qui clôt le voyage…