"J'emmerde les bobos" est un hymne à la gloire de l'humanité. Cet album inspiré suit une trajectoire métaphorique de la rédemption, en partant des profondeurs symbolisées par une incantation tragi-comique - "Et quand il pète il troue son slip" - jusqu'à la sublimation finale de cette incantation liminaire en sommet de richesse mélodique (les deux dernières chansons sont des remix de la première).
Un ode à la spontanéité
De part et d'autre des deux bornes de cette oeuvre, on découvre des morceaux de bravoure qui sont autant d'odes à une spontanéité que notre époque semble avoir égarée. En effet, "Tu l'as vu? mon cul ! " propose avec une grande subtilité une réactivation du mythe de Narcisse transposé dans une société contemporaine qui le méconnaît et le rejette. "Zizicoptère" nous offre une analyse fine de la prégnance des impératifs naturels et des besoins du corps sur notre conduite quotidienne. La chanson se termine en beauté par un aveu qui traduit la contrition d'un narrateur poussé dans ses retranchements par un irrépressible besoin de vérité: "et j'aimerais dire à Jacqueline que les clefs de la camionette sont sous le pot de fleur à côté du restaurant"
La confession d'un Moi tourmenté
L'une des dernières chanson de l'album: "I love toi" reste dans ce même domaine de la confession, mais exacerbe le dévoilement d'un Moi tourmenté. Patoche s'empresse d'ailleurs de désamorcer les effets de cette mise à nu à la fois pure et troublante, brillamment accompagnée par des solos de saxophone sobres et expressifs, en clôturant le morceau par: "avec toi j'voyais la vie en rose comme un stabilo Boss. Je t'aime pour toujours...Eh! c'est quoi ce p'tit cul là-bas?". On découvre aussi la richesse expressive des métaphores patochienne dans "La moustache au chocolat" qui rend un hommage vibrant à tous les aventuriers du sport de chambre.
Le Panard
Mais le sommet de l'album est incontestablement "Le panard", chanté en collaboration avec Léa Léonard pour des envolées lyriques d'une beauté foudroyante. Ce morceau contient toute l'âme de l'album: à la fois célébration des bonheurs simples et d'une joie qui se libère de tous les impératifs de retour sur soi, de réflexivité. Patoche porte au pinacle un mode de vie pur et décomplexé, fait "de glaçons quand il fait très chaud, de paire de claquettes, de stylos". Une vie simple et heureuse dans laquelle ne manquerait pas de se retrouver Charles Péguy qui rendait hommage à son enfance le long de "la Loire coulante et souvent limoneuse" ou encore Horace dans son trop célèbre "Carpe diem".
Pour toutes ses raisons, "J'emmerde les bobos" est une oeuvre magistrale, un coup de poing dans les vieilles certitudes, que nous nous devons d'écouter encore et encore, avec autant de lâcher-prise qu'il a été composé.
Et en plus ça se vend...