La Traversée
6.8
La Traversée

Album de Bertrand Betsch (2020)

On louait, lors de la sortie de Tout Doux il y a deux ans, le talent évident de Bertrand Betsch pour broder et ornementer des mélodies vibrantes malgré leur limpidité. Pour autant, il y a toujours une certaine appréhension avant d’écouter un nouvel album de l’auteur/compositeur. Car derrière la délicatesse des ballades, il y a fréquemment cette frontalité du texte, qui pourrait rebuter par son approche brute des émotions ; chose d’ailleurs assez rare chez les artistes masculins « indépendants » de la chanson française, qui préfèrent en général une prose assez absconse (on pense notamment à Murat et Dominique A, régulièrement défendus dans ces pages).

Cela fait plus de vingt ans que Bertrand Betsch fait danser ses mots doux-amers sur une corde raide. A la frontière du simplisme, son verbe n’y sombre pourtant jamais, et chez lui la tristesse n’est jamais complaisante. La mise à nu peut mettre mal à l’aise, mais si l’on prend la peine d’embrasser l’approche de Betsch, on y trouve une certaine sincérité sur les sentiments et la cruauté de la vie qui peut aller droit au cœur. Son chant, parfois à la limite de la justesse, est un joli contrepoint à la belle évidence des textes ; c’est aussi la parfaite réplique au chant démesurément fiévreux qui encombre trop souvent le monde de la variété.

Sur La Traversée, Bertrand Bestch fait donc le pari de la continuité : économie des procédés et humeur brumeuse restent les traits dominants de son écriture. Et si le succès d’estime de Pas de bras, pas de chocolat remonte désormais à une éternité, on ne peut que souhaiter au français de le retrouver avec un titre aussi emballant et rythmé que « Rendez-vous ».


Francois-Corda
8
Écrit par

Créée

le 11 juin 2024

Critique lue 6 fois

François Lam

Écrit par

Critique lue 6 fois

Du même critique

Civil War
Francois-Corda
5

Critique de Civil War par François Lam

En interview dans le numéro d’avril de Mad Movies, Alex Garland se réclame d’un cinéma adulte qui ne donnerait pas toutes les clés de compréhension aux spectateurs, à l’instar du récent Anatomie...

le 21 avr. 2024

5 j'aime

Les Chambres rouges
Francois-Corda
4

Les siestes blanches

La salle de procès qui introduit Les Chambres rouges est d'un blanc immaculé et incarne aussi bien l'inoffensivité de son propos que le vide existentiel qui traverse son héroïne Kelly-Anne. On ne...

le 24 janv. 2024

5 j'aime

2

The Telemarketers
Francois-Corda
8

My name is Patrick J. Pespas

Les frères Safdie, producteurs de The Telemarketers, ont trouvé dans Patrick J. Pespas l'alter ego parfait de leurs personnages aussi décalés qu'attachants créés dans leurs longs métrages de fiction...

le 3 nov. 2023

4 j'aime