On louait, lors de la sortie de Tout Doux il y a deux ans, le talent évident de Bertrand Betsch pour broder et ornementer des mélodies vibrantes malgré leur limpidité. Pour autant, il y a toujours une certaine appréhension avant d’écouter un nouvel album de l’auteur/compositeur. Car derrière la délicatesse des ballades, il y a fréquemment cette frontalité du texte, qui pourrait rebuter par son approche brute des émotions ; chose d’ailleurs assez rare chez les artistes masculins « indépendants » de la chanson française, qui préfèrent en général une prose assez absconse (on pense notamment à Murat et Dominique A, régulièrement défendus dans ces pages).
Cela fait plus de vingt ans que Bertrand Betsch fait danser ses mots doux-amers sur une corde raide. A la frontière du simplisme, son verbe n’y sombre pourtant jamais, et chez lui la tristesse n’est jamais complaisante. La mise à nu peut mettre mal à l’aise, mais si l’on prend la peine d’embrasser l’approche de Betsch, on y trouve une certaine sincérité sur les sentiments et la cruauté de la vie qui peut aller droit au cœur. Son chant, parfois à la limite de la justesse, est un joli contrepoint à la belle évidence des textes ; c’est aussi la parfaite réplique au chant démesurément fiévreux qui encombre trop souvent le monde de la variété.
Sur La Traversée, Bertrand Bestch fait donc le pari de la continuité : économie des procédés et humeur brumeuse restent les traits dominants de son écriture. Et si le succès d’estime de Pas de bras, pas de chocolat remonte désormais à une éternité, on ne peut que souhaiter au français de le retrouver avec un titre aussi emballant et rythmé que « Rendez-vous ».