Il aura donc fallu attendre 2009 pour enfin bénéficier d’un disque à la hauteur de la légende.
Le gros problème de Nirvana, c’est qu’ils étaient un grand groupe à compilation. Leurs albums étant une source de frustration puisqu’ils contenaient, tous, leur lot de déchets.
Ce live arrive trop tard pour corriger un malentendu qui dure depuis le succès de Nevermind, mais il n’en reste pas moins une heureuse surprise. Oubliez le son javellisé de l’album au bébé et les moments pénibles de In utero, le sommet de Nirvana est ici. Approximatif, urgent, rageur, sale et pourtant, incroyablement pop ! Car l’ultime ambition de Kurt Cobain, c’était quand même de faire du Black Sabbath avec les mélodies des Beatles tout en ayant le son de Black Flag.
Mission accomplie. Non seulement Live at Reading est ce qui est de plus proche des envies de son torturé leader, il est également une excellente rétrospective de sa carrière. Son gros succès est là, presque intégralement. On a droit aussi aux meilleurs morceaux de Bleach, à certains inédits de Incesticide (génial « Been A Son » et ce « Aneurysm » est complétement destroy), quelques reprises et aux premiers titres de In utero (une avant-première à cette époque). Pour ne rien gâcher, ce ne sont pas les moins bons ! Même si on regrettera quelques absents (« Heart-shaped Box », « Rape Me » ou « Very Ape »). C’est justement cette raison qui m’empêche de considérer ce concert comme étant parfait. Nirvana ayant un répertoire riche en très bonnes chansons, il aurait été plus judicieux de les ajouter à la place des reprises (d’ailleurs, quelle drôle idée de ne pas avoir inclus « Love Buzz » dans la version CD).
En dehors de cette sodomie de musca domestica, c’est le panard total. Le son est énorme. Garage mais audible. Bruyant mais accessible. Kurt Cobain s’atomise les cordes vocales et balance des pains qu’on remarque à peine grâce à son jeu d’une violence épuisante (vous écoutez des guitaristes proprets qui font plaisir à mamie ? Dégagez d’ici !). La prestation du trio rend obsolète la majorité des versions studios. A noter que le fameux Dave Grohl est dans une forme olympique (il est très probable qu’on ait retrouvé son kit de batterie en mille morceaux après ce concert). Même les inévitables scies telles que « In Bloom » ainsi que « Smells Like Teen Spirit » (joyeusement massacrée et c’est tant mieux !) passent bien.
Du coup, Live At Reading est l’alpha et l’oméga de Nirvana. C’est de la pop jouée comme du punk noisy et chantée par un blondinet dépressif au songwriting ultra giga efficace.
Bref, en 78 minutes, on retrouve nos 15 ans. Sauf qu’on est dans les années 1990 et qu’on assiste à un événement qui fait date dans l’histoire du rock.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.