Débuts solitaires
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le 5 août 2023
Je suis tombé sur la première piste de Los Angeles un peu par accident, et c'est la plus belle chose que j'ai écouté ce jour là. Et les jours qui suivirent. Des vieux enregistrements d'une gamine qui raconte des trucs que je ne comprends pas, une guitare en nylon qui déroule de petites mélodies qui émergent du silence pour mieux y retourner aussitôt la suite de notes achevée, une voix d'ange juvénile qui prend un envol plein de grâce... une lumière rouge s'est mise à clignoter dans mon cerveau désemparé, qui criait /!\ ICHIKO AOBA /!\ ICHIKO AOBA /!\. Et puis la voix se mit à se faire sensuelle, à virevolter à la recherche d'une émotion cachée, à ne pas se contenter d'atteindre la note mais plutôt à faire des détours élégants et déchirants, comme pour broder une robe de funérailles, noire comme le deuil et ponctué du rouge de la passion. Quand les violons ont fini par débarquer, lourds comme un cercueil, charriant une plainte indicible et une dissonance intolérable, j'ai compris que cet album était une créature bien particulière, qu'il allait falloir que je calme mes tendances à la comparaison foireuse car il ne se laisserait pas apprivoiser si facilement.
Los Angeles a la couleur du flamenco. Guitare nylon déroulant des mélodies de sensibilité hispanique, voix puissante, baladeuse, sensuelle et expressive. Mais Rosalia et Raül Refree ne jouent pas selon les règles établies. La tradition est muselée, l'inspiration puise ses sources dans des sources plus contemporaines. Raül, en plus d'être un guitariste virtuose et adaptable (qui a travaillé avec beaucoup de poids lourds de l'underground, notamment Lee Ranaldo), est également un producteur, qui sculpte ici un écrin ténébreux, riche en subtilités et en touches inattendues (les cordes terrifiantes citées plus haut, des traces de bruit de fond ici et là, des overdubs de guitare qui renforcent le côté énigmatique, des effets de voix divers...). Rosalia de son côté, offre une des performances vocales les plus impressionnantes qui m'ait été donné d'entendre cette année. Et ce d'autant plus que - malgré le chant virevoltant - la jeune femme ne s'échoue jamais sur l'écueil du démonstratif ; les douzes pistes forment une continuité introspective qui accomplit l'exploit d'être à la fois très varié (le spectre stylistique et émotionnel couvert par le simple duo guitare/voix est exceptionnel, il suffit par exemple d'un "Te Venero" pour être transporté tout d'un coup dans une version contemporaine du folk psychédélique anglais tel qu'il était pratiqué durant la charnière 60's/70's) et rigoureusement cohérent d'un bout à l'autre.
Los Angeles (les anges, pas la ville) est un disque solitaire, s'il y a bien un sentiment à en trier c'est celui-ci. Si bien que ce n'est (presque) pas étonnant d'y trouver, en conclusion, une reprise timide, paisible, tout en souffle, du "I See A Darkness" de Bonnie Prince Billy. Influence perceptible en filigrane dans la proposition de Rosalia et Raül, dans les humeurs inconsolables, à fleur de peau mais puissantes. Ainsi s'achève l'une des plus belles et discrètes épopées de 2017.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes 2017 en musique d'une traite dans mon assiette avec mon corps d'athlète et mon œil d'esthète et Les meilleurs albums de 2017
Créée
le 24 déc. 2017
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