Lorsque l'Anglo-Italo-Islandaise Emilíana Torrini est apparue en 1999, la vague Björk battait son plein et on avait crubon de nous la vendre en misant tout sur ses origines islandaises. Du coup, ce qui la distinguait énervait : mélodies tortueuses, orchestrations grandioses et, surtout, voix qui affectionnait la voltige. Ça suintait la gentille clone consensuelle. Deux albums plus tard, on révise son jugement. Car, titre après titre, Me and Armini distille un charme certain. Là où on détectait une forme d'opportunisme doublé de prétention, on accepte désormais Torrini pour ce qu'elle est : une fille à la sensibilité pop et au goût assez sûr, beaucoup moins torturée ou dépressive que ses évidents modèles. Après tout, on a beau aimer PJ Harvey et Stina Nordenstam, on n'a pas tous les jours envie de se passer la corde au cou. De même, Kate Bush nous ensorcelle toujours, mais ses disques exigent parfois trop d'attention.
D'où le plaisir de se laisser porter par la légèreté haut de gamme d'Emilíana Torrini, de savourer la variété (au propre comme au figuré) de ses chansons. Et de prendre comme de délicats hommages telle intonation à la Björk, telle ballade souffreteuse à la PJ Harvey (le superbe Gun), telle mélopée envoûtante à la Mazzy Star. Torrini n'est pas plus islandaise qu'italienne ou britannique. Son écriture, mélange de glace, de feu et de culture pop innée, n'est jamais aussi évidente que sur l'entraînant single Me and Armini. Chose rare, son rythme de reggae blanc ne fait pas fuir. HC
Trois ans après un repositionnement stratégique bienvenu du côté d’une pop acoustique fragile, Emiliana Torrini affine son propos en enrichissant considérablement son vocabulaire. Me & Armini déploie lentement ses charmes parfois un peu austères sous le soleil d’une production sidérante de subtilité et de sècheresse. Parce que la voix de l’Islandaise est suffisamment sucrée et qu’elle occupe l’espace avec une certaine grâce, inutile d’en rajouter dans la joliesse : rythmique économe, guitares et claviers vaporisés avec parcimonie, virgules électroniques, tout trouve sa juste place sur des chansons parfois ternes (Birds), mais toujours élégantes. Torrini ne s’en tient pas à cette retenue potentiellement aride et a eu la bonne idée de varier les plaisirs pour éloigner l’ennui. Elle se promène avec une égale aisance sur le fil tendu d’une ballade sobre (Fireheads), sur la rythmique chaloupée d’un reggae (Me And Armini), flirtant ici avec le meilleur du folk anglais entre les arpèges d’une guitare acoustique (Hold Heart), renouant là avec une pop électronique vaporeuse et répétitive (sublime Dead Duck). Mais c’est quand les mélodies se réchauffent un peu que la jeune femme fait la différence et signe deux chansons irrésistibles, à fredonner à l’infini : Big Jumps est une chanson ensoleillée, une sorte de réponse lumineuse et optimiste au Walk On The Wild Side de Lou Reed ; le single Jungle Drum est un tour de force, ritournelle rêche et endiablée au refrain écorché par des guitares acérées, emmenée par le chant affolant d’une Emiliana Torrini complètement désinhibée. Pour le prochain album, on en voudrait douze comme ça. (Magic)
Étonnante artiste que cette Islandaise : auteur d'un premier album aux influences trip-hop en 1999 ("Love in a Time of Science"), elle laissait déjà apparaître un énorme potentiel. Mais, manque de pot, les similitudes avec l'univers musical de son éminente compatriote la desservent et la relèguent vite dans la catégorie des sous-produits Björk. Petitesse d'esprit que de porter un jugement aussi réducteur. À la décharge des détracteurs, c'est vrai que la ressemblance était parfois troublante, et qu'il est plus aisé d'affirmer le talent de la belle, maintenant qu'elle a trouvé ses marques. En 2005, elle s'extirpe de l'ombre glaciale dans laquelle on l'avait consignée en opérant, de maîtresse manière, un revirement pop-folk acoustique classieux. Elle nous livre l'honorable "Fisherman's Women" qui met au grand jour un nouveau pan de l'éventail de ses possibilités, lesquelles prennent enfin le dessus sur le rapprochement avec Björk.
Et aujourd'hui, voici qu'elle nous échafaude, tout en légèreté, ce splendide "Me and Armini". Plus éclectique que jamais, ce troisième opus est le fruit choyé de la décontraction maîtrisée. Il est doux et sucré. On sent que la douce n'a pas cherché à forcer la composition, préférant davantage laisser la musique s'offrir tous azimuts à elle, plutôt que de lui courir après. L'atmosphère y est donc particulièrement conviviale, de sorte que s'en délecter ne nécessite aucune initiation préalable. Mais accessibilité ne rime pas pour autant avec monotonie. Admirablement auréolée par son fidèle complice et producteur Dan Carey, Emiliana, allergique à l'immobilisme, se laisse emporter par tout ce qui lui passe par la tête, et n'hésite pas à se frotter aux styles les plus divers : le morceau inaugural s'articule autour d'une guitare chaude à la Jack Johnson sur laquelle se pose la voix gracile de la demoiselle, et lorsque vient l'heure du refrain, il est difficile de penser à autre chose qu'à un feu de camp à la lueur de la Lune. Le morceau éponyme, avec sa rythmique chaloupée, emprunte quant à lui les sentiers du reggae jusqu'à l'orée d'une ballade planante de six minutes qui répond au doux nom de "Birds". Ca commence avec la guitare de Dan et la voix ensorcelante d'Emiliana, ensuite un piano saupoudre quelques notes ici et là ; progressivement le morceau s'intensifie et ne fait plus qu'un avec cette voix doublée par ses propres cœurs machinés. Se fichant éperdument de l'état groggy dans lequel elle nous plonge, Emiliana bascule sans transition dans un nouvel univers ("Heard It All Before"), fait de claviers sibyllins à la Portishead (qui aurait mangé du clown), de claquements de mains, de guitares gentiment délurées, et de cette voix toujours aussi nourrissante. Comme il faudrait plus d'une colonne pour faire le tour de ces douze individualités, je me contenterai de mettre l'accent sur le dénominateur commun qui les relie, à savoir la sobriété et l'intelligence de la production qui a compris que les compositions n'avaient nuls autres besoins que leurs qualités intrinsèques pour exister. Le résultat est jouissif, équilibré et finalement très cohérent. Pas de doute, avec "Me and Armini", Emiliana a fait le "Big Jump". Et comme dirait Georges : c'est "magnifico".(Popnews)
Lorsqu'elle est apparue en 1999 avec son premier album, Emiliana Torrini a immédiatement séduit grâce à sa voix et quelques titres bien sentis. Cependant, la production clinquante du disque et la volonté assumée de surfer sur la vague Björk, en focalisant l'attention sur ses origines en partie islandaises, sentaient le coup téléguidé par sa maison de disques. Ainsi, "Fisherman's Woman" véritable manifeste de sobriété des arrangements et de grâce mélodique, apparaissait un peu comme une volonté de tourner la page et de reprise en mains de sa carrière par Emiliana Torrini elle-même. "Me and Armini" est donc un album où les compteurs sont remis à zéro, le premier sur lequel Emiliana peut laisser parler ses envies et sa sensibilité, sans arrière-pensées. L'introductif Fireheads nous signifie d'emblée que l'artiste continue de s'inscrire dans une logique d'arrangements délicats et légers, qui conviennent d'ailleurs parfaitement à son timbre de voix. Elle confirme également un talent de mélodiste éprouvé et cela tout au long de l'album, des titres tels que Ha ha ou Beggar's prayer étant de véritables petits bijous. Mais l'album n'est en rien une redite du précédent car ce qui donne son relief à "Me and Armini", c'est le bel éclectisme dont il sait faire preuve; Ainsi, Me and Armini se pare d'arrangements plus dansants, tout comme Heard it all before ou Big jumps, titre pop radieux et enlevé sur lequel l'Islandaise semble de plus prendre un malin plaisir à citer l'air de rien le Walk on the wild side de Lou Reed. Mais, plus que tout autre, c'est peut-être Birds qui incarne le mieux la réussite de cet album. D'abord parce que ce morceau est de la veine de ces ballades oniriques et élégiaques dont on ne se lasse jamais. Qui plus est, après une première moitié tout en dépouillement, le morceau se pare petit à petit d\'arrangements subtils et riches qui lui donnent des sonorités plus modernes. Emiliana Torrini était jusque là une artiste qui avait fait quelques apparitions et qu'on avait accueilli avec bienveillance, sans lui attacher plus d'importance. Il se pourrait bien que désormais, les choses changent très vite... (indiepoprock)