Surfer Rosa par Nhoj

Premier album des Pixies. Conçu à la fin des 80's, alors que la tendance principale est alors aux productions fofolles et enjouées qui se présentent volontairement comme propres et lisses pour l'oreille, tout en connotant envolées de guitare électrique au son policé sur fond de batterie électronique, ou même tenues de velours bleu à paillettes, mulets savamment étudiés et autres facéties stylistiques audacieuses.

Rien de mal, loin de moi l'idée de rabaisser une mouvance qui a enthousiasmé tant de gens en les rendant aussi extatiques. Cependant, ce contexte explique forcément en partie pourquoi Surfer Rosa a été si peu remarqué internationalement lors de sa sortie (malgré une distribution relativement correcte.)
Je souligne premièrement rapidement l'excellent mixage du très estimé Steve Albini (Rid of Me, In Utero, Pod...) qui supporte et soulève le côté délirant du groupe tout en l'aidant à atteindre en même temps une sorte de vérité touchante, une honnêteté.
Car si ce disque est au premier abord aussi racoleur que ceux des productions que je ciblais en début de critique - rythmes et mélodies entraînantes, festifs à l'extrême - et met en avant une psychologie naïve et adolescente, il en suinte néanmoins quelque chose de vrai et délétère.

C'est la fête, mais une fête épuisante qui ne finit plus et qui promet de se poursuivre sur les chapeaux de roues pour toujours ; les corps se contorsionnent, se malaxent dans tous les sens, la chair devient blanche par l'effort, l'esprit se dilate et menace de s'évaporer définitivement, mais tout se maintient néanmoins, faisant penser à une presque-chute sans cesse renouvelée.
Si les textes sont souvent puérils et renvoient partiellement au lycée et aux premiers émois sexuels, ils ne traitent pas moins de sujets graves - tel que la mutilation par exemple.
On retrouve le thème de l'adolescence troublée qui commence à faire l'état des lieux, pour se rendre compte que tout n'est pas aussi brillant qu'on veut bien se le faire croire, mais qui continue à feindre l'insouciance.
Pour un temps du moins, car cet album annonce la fin d'une époque * notes de musique dramatique * et un nouveau départ. * notes de musique goguenardes *

Cette fin révèle une mentalité qui ira éclater très peu d'années plus tard au visage du grand public, celle d'une jeunesse s'affirmant de nouveau comme étant en colère et a priori à bout de souffle. Regardez le succès commercial du mouvement grunge, trois ans plus tard, qui - même si parfois corrompu et dénaturé - montre bien que la boucle entame un nouveau tour sur elle-même.

Surfer Rosa est un album précurseur qui, s'il n'a pas connu le succès mérité dans les tout premiers temps - en rencontrant la bonne audience - a su aider à répondre à un besoin bel et bien existant, en commençant par gratter une couche de surface pour en libérer le contenu.
Comme percer un spot purulent.