On avait laissé Belle & Sebastian dans les pattes de Trevor Horn, le fameux producteur synthétique de Frankie Goes To Hollywood ou de Tatu. Ils avaient fait de leur mieux ensemble pour fignoler un album finaud, mais ce Dear Catastrophe Waitress laissa les fans perplexes. Belle & Sebastian, groupe farouche et esprit libre, ne s'en est pas laissé compter par les ronchons déçus. Le passage par Trevor Horn leur a appris les vertus d'une bonne production. Sans lui, ils ont conservé la démarche et oublié la pop de chambrette. Cette leçon retenue, les Ecossais reviennent aujourd'hui, produits par Tony Hoffer (Air, Beck, Phoenix), trouvant enfin une vraie ambition, et donnant une envergure adulte à leurs chansons délicates. Enregistré à Los Angeles, The Life Pursuit respire le sable et le soleil californiens, la bonne santé. Un disque chaleureux et plein d'entrain, où ils passent allègrement du soul-funk seventies ? Song for Sunshine et For the Price of a Cup of Tea et sa guitare funky, sa petite voix de fausset, sa flûte ? à la BO d'une comédie sixties échevelée ? We Are the Sleepyheads, qui abrite même un solo de guitare. Sans parler du groovy Sukie in the Graveyard et son orgue psyché, et du glam sensuel façon Roxy Music (The Blues Are Still Blue) ou même R.E.M. (To Be Myself Completely).
La voix de Murdoch sait rester douce (Dress up in You) et se met au service des mélodies, les plus fortes depuis If You're Feeling Sinister ? Another Sunny Day provoque les mêmes frissons que ceux qui saisissaient à l'écoute de Like Dylan in the Movies.
Avec ce disque appétissant, Belle & Sebastian a bel et bien quitté ses chapelles glaswégiennes pour des horizons larges et prometteurs. (Inrocks)
Il n'y aura pas d'acte de contrition dans ces lignes. En dehors de quelques fulgurances, Belle And Sebastian nous a longtemps fait l'effet d'un pantin empaillé destiné à ranimer des indie kids lymphatiques. Avec son nom emprunté à une série télévisée pour enfants, sa chanteuse mièvre heureusement débarquée, et ses fans à l'oeil humide, on frôlait le gâtisme. Tout cela manquait en fait sévèrement de sexe. Plagier Love sans l'amour, quel gâchis. Mais voilà, peut-être depuis qu'il a une chouette petite amie, Stuart Murdoch a envoyé valser l'auréole, transpire enfin, se fait des bleus en rythme et danse même dans ses clips (Funny Little Frog). La mignonne petite grenouille qu'on aurait bien fait frire avec de l'ail s'est muée en séduisant prince sans rire. Dear Catastrophe Waitress marquait déjà le pas vers une écriture plus libre, mais manquait de souffle pour tenir la dis-danse. Après avoir pris soin d'écosser ses haricots magiques (les cuivres de Love, les sarcasmes de Felt, le boogie de T.Rex, les sourires des Beach Boys), le metteur en son embarque cette fois-ci sa troupe dans une comédie musicale bigarrée, verrouillée par un omniprésent clavier et une section rythmique assez vicieuse. L'inspiration au nord de la soul, le coeur toujours plus tourné vers l'ouest américain. C'est néanmoins un vent du sud qui souffle sur ces treize tableaux du quotidien, de la crise de foi matinale (sublime Act Of The Apostle Part I) au fantasme nocturne (Funny Little Frog) en passant par la satire sociale débitée au comptoir du coin (White Collar Boy). En guest-stars, un Marc Bolan dégraissé et démaquillé (The Blues Are Still Blue), un Bob Dylan acrobatisant sur The Jam (l'aérien Another Sunny Day) et des Pizzicato Five enfin anglophones (We Are The Sleepyheads). Jusqu'aux dernières notes de l'apaisé Mornington Crescent, le groupe écossais confirme qu'il a su muer ses maniérismes en style. Il nous en voit fort marris, Stuart. (Magic)
The Life Pursuit", titre volontairement banal, manière de dire que l'aventure (musicale et amoureuse) continue, malgré les attentes déçues et les espoirs sans cesse renaissants, manière de plaider coupable avant le jugement. Ma foi, le groupe ne se la pète pas. Et c'est tant mieux. On souhaitait sans doute que le changement de cap amorcé avec le co-pilote Trevor Horn conduise la formation, même sans lui, vers le large. Histoire de faire enfin fructifier tout ce capital de sympathie. Histoire de mettre en évidence les éminentes qualités du groupe. Ben là, ça part un peu dans tous les sens, et ça ne va pas forcément très loin. Mais, allez, c'est pas bien grave : le groupe semble s'amuser en sortant des fanfreluches seventies, un coup de glam dans l'axe Bolan/Reed, ("The Blues Are Still Blue"), un doublet orgue/riff de guitare ad hoc pour signifier que le mauvais goût peut être aussi l'apanage des esthètes ("Sukie in the Graveyard"), des chaloupés funk (basse, orgue, synthé) noyés sous les chœurs ("Song for the Sunshine"). Tout cela est sans doute ce qu'ils ont produit de plus léger et décalé. On ne peut pas dire qu'on les attendait là, mais ils ont l'air d'assumer leur envie d'aller voir ailleurs. Parfois, c'est d'ailleurs plutôt réussi : "Funny Little Frog", avec une rythmique cette fois très sixties, ses claps et ses chœurs, et la voix enlevée de Stuart, est un single tout à fait décent. Mais, dans l'ensemble, la musique laisse un peu indifférent, et les chœurs forcent sur les aigus, jusqu'à l'indigeste ; et puis tout ce toutim guilleret, ça paraît - allez savoir pourquoi - un peu suspect. C'est d'ailleurs sans surprise qu'on se laisse happer vraiment par l'emballant "Another Sunny Day" qui, derrière le titre trompeur et la légèreté apparente, vous insuffle une nostalgie tenace. Ou attendrir, à un moindre degré, par les timides "Dress up in You" ou "Mornington Crescent". Incorrigible. Toujours "If You're feeling…" dans un coin de la tête. Pfui… ce groupe n'a décidément pas le public qu'il mérite.(Popnews)
L’histoire de Belle and Sebastian était assez simple jusqu’ici : une décennie sans aucune fausse note, des chansons un brin mélancoliques ayant conquis un public fidèle, des albums aux douces mélodies qui se suivent… et se ressemblent. Si bien que l’on avait souvent l’impression de redites, de variations autour d’un même thème musical. Comme dans toutes les bonnes histoires, il manquait à celle de Belle and Sebastian son lot de péripéties. Voilà qu’avec « Dear catastrophe waitress », les remises en question sont arrivées à la pelle : d’abord la signature sur le label Rough Trade, puis le départ d’Isobel Campbell et de Stuart David, la décision enfin d’enregistrer le prochain album à Los Angeles sous la houlette du producteur Tony Hoffer. Le moins qu’on puisse dire, c’est que « The Life Pursuit » a tout l’air d’un nouveau départ. Etonnamment décontractée, la musique y est plus affirmée, plus rythmée, affichant même un sérieux sens du groove ! Pour preuves, ces incursions plutôt audacieuses du côté de la soul et du rhythm’n’blues (For the price of a cup of tea), du funk façon Sly and The Family Stone ou Stevie Wonder (Song for sunshine), du boogie glamour à la manière de TRex (Sukie in the graveyard) et du théâtre-cabaret des Mama’s and Papa’s (Act of the apostle II). Au final, l’ensemble est très séduisant. Même les morceaux les plus classiquement rock gagnent en nervosité. Quitte à frôler la catastrophe en abusant à plusieurs reprises de guitares country, comme sur Another sunny day ou Mornington crescent, deux titres sublimes au demeurant, heureusement rattrapés par des lignes de basses efficaces et des ruptures harmoniques qui donnent toujours autant de frissons. (indiepoprock)