Quand Pink Floyd se met à l'exercice de l'album concept ils ont ce défaut de traiter de sujets bien trop généraux pour être francs. Là où Dark Side of The Moon et Wish You Were Here fonctionnaient, c'était dans leur approche instrumentale neuve de textures sonores qui ont fait leur célébrité et originalité, mais pas seulement.
Depuis le départ de Syd Barret ils ont longtemps cherché une nouvelle homogénéité de groupe. Mais après l'éclatement post Wish You Were Here et la prise de pouvoir du bassiste Roger Waters cela a changé.
Ce dernier n'a jamais vraiment été un grand parolier et n'a jamais été proche d'aucune pensée philosophique : il n'y a qu'à voir la seule originalité de Animals, étant de s'inspirer de George Orwell, ce qui n'est pas original. De ce constat, étant seul maître à bord sur The Wall, il essaie de nous délivrer un pamphlet anti social tout en développant son mal être par rapport au public. La question se posant alors : comment croire à sa sincérité ? Déjà richissime, il s'impose comme figure contestataire (ce qu'il n'est pas) tout en annihilant toute forme de contestation dans son groupe. L'exemple le plus probant étant bien sûr le renvoi du claviériste Richard Wright qui, immanquablement, a été la figure de proue du "son Pink Floyd".
Cet aspect politique qu'il veut donner à son œuvre ne fonctionne pas car elle est dépourvue de polarisation. Il aurait pu être intéressant si seulement il y avait de la nuance, ce dont Waters n'est nullement doté. C'est l'image de "moi contre le monde" qui, intrinsèquement, perturbe éthiquement puisque uniquement ancrée dans sa propre pensée, et dont l'auteur refuse d'en prendre recul.
Ceci se ressent donc au sein de la musicalité de ce double album. Tout y est mécanique, froid, inanimé, cependant la conception de l'ensemble est très baroque (The Wall est cet exemple type de l'opéra rock). Même si c'est très éloigné de ce que fait le groupe on a, certes, une nouvelle approche des textures sonores. Sauf qu'en plus d'être unilatérale, elle n'est pas authentique car manichéenne dans son discours et isolée dans cette fameuse cohésion d'ensemble.
Au final, ce qui reste à sauver ce sont sûrement les titres Hey You et Comfortably Numb, étant bien plus en accord avec la logique progressive du groupe et, par conséquent, les moins atteints de l'exubérance sans âme de Roger Waters.