La guerre, c'est pas bien. Vous êtes au courant. Mais à force de vous l'asséner, vous devez en avoir marre de l'entendre. Alors quand on se lance dans 303, un comics sur ce sujet, on craint de se retrouver soit dans un discours moralisateur soit dans une histoire de propagande.


Mais c'est Garth Ennis, mec. Et ça, c'est cool. Le scénariste a prouvé avec ses Hellblazer, Preacher, The Punisher ou The Boys qu'il était capable d'écrire des histoires terriblement jouissives, déconseillées aux jeunes têtes blondes.


303 est violent, ses pages se colorent souvent de rouge. Le trait de Jacen Burrows rappelle celui de Steve Dillon,un autre complice de Garth Ennis, qui sait retranscrire la violence de ses scripts. Mais Jacen Burrows se distingue par une plus grande maîtrise, que ce soit dans les personnages ou le décor. Il est étonnant que cet artiste, malgré un style relativement classique mais maîtrisé, ne soit pas plus populaire.


C'est d'autant plus dommage que Jacen Burrows ne trahit pas l'histoire de Garth Ennis. Un récit rondement mené, qui se suit avec plaisir, mais avec un frisson dans le dos.


Car la série est certainement l'une des plus cyniques de Garth Ennis, et le bougre n'est déjà pas habituellement un grand naïf. Les bons sentiments ne se bousculent pas, et les personnages agissent parce que ce sont les ordres, et que la Raison d'état l'emporte sur les considérations personnelles.


Garth Ennis modernise le comics de guerre, lui enlève toutes les justifications idéologiques qui pouvaient guider les personnages du genre (ha, cette bonne vieille ficelle de la lutte contre les nazis). Le récit est ancré dans la réalité de l'Amérique post-11 Septembre, et c'est cette même réalité qui guide les personnages du comics.


D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si le nom du comics ne reprend pas celui du personnage principal, mais d'un fusil qui a fait ses preuves tout au long du XXe siècle. Ce personnage principal, dont on ignore le nom, rencontre le doute, mais il s'en défait parce qu'il a une mission à accomplir. Ce n'est pas à lui de décider si la mort qu'il a semé a permis de rendre le monde meilleur. Il agit et vit pour le présent.


303 est donc un comics assez étrange, où il est difficile de s'attacher à ces personnages qui savent que le monde dans lequel ils évoluent n'est dicté que par un pragmatisme d'état, pas par des idéologies.


C'est d'autant plus dommage quand Garth Ennis va dans l'excès, et que, en plus, de sa critique discrète de la guerre, il se lance dans une critique plus virulente de la politique étrangère des Etats-Unis. Son révisionnisme du 11 Septembre à la fin du premier arc est la goutte d'eau qui a du mal à être avalée.

SimplySmackkk
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le 20 févr. 2011

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