Souriez, vous êtes Rebooté…

Après avoir éradiqué l’Homme et débarrassé l’univers de la plupart de ses espèces extra-terrestres, les robots ont pris des postures d’êtres humains en travaillant, se mariant, éduquant les enfants robots… L’un d’entre-eux, D4ve, un robot de défense recyclé en robot administratif, s’ennuie sec et rêve à sa gloire d’antan. Lorsqu’une chance lui est donnée de redevenir un héros grâce à une invasion d’aliens, prêt à coloniser la T3rr3, il n’hésite pas longtemps et c’est parti pour un reboot de son logiciel de défense…


Parue en août 2016, cette intégrale d’une série en 5 tomes fait partie de la collection label 619 d’Ankama, une collection orientée cultures urbaines. Ce label réunit des ouvrages inspirés d’univers contemporains, pops et modernes. C’est donc tout naturellement que l’on y retrouve, ce « comics » décalé et original dessiné par Ramon Valentin, d’après un scénario du canadien Ryan Ferrier.


Dès la couverture, on est attiré par le trait très fluide et réaliste de cet artiste espagnol dont c’était le premier ouvrage. Son travail est soigné et agréable à regarder mais les couleurs sont assez ternes : certainement pour donner un petit côté rétro, à l’instar d’un certain nombre de répliques et références qui rappellent les années 80 (le gimmick de D4ve [« les boules »], « tu conduis comme un Apple II », utilisation du Leet…). Les décors urbains, les montres et autres extra-terrestres ont un petit quelque chose de ceux dessinés en son temps par Goef Darrow, de par son sens du détail et de la démesure dans certaines cases. Bien que le visage des robots soit inexpressif (le héros par exemple, n’a comme visage qu’un simple hublot), le dessinateur arrive à faire passer des émotions.


De plus, l’auteur a du s’inspirer des Aliens de Ridley Scott, pour Les têtes des K’LAAR. Ce n’est pas la seule référence cinématographique puisque l’on peut également évoquer le film « chute libre » de Joel Schumacher (lorsque le héros, coincé dans les embouteillages, s’énerve et « pète les plombs »). Ferrier introduit aussi une phrase tirée de Terminator 2 : « Je sais (maintenant) pourquoi vous pleurez, mais c’est quelque chose que je ne pourrais jamais faire. » Outre les références au cinéma, les dialogues font appel à beaucoup de termes liés à l’informatique (reformater, archiver, rebooter…) et érigent en dieu ou demi-dieu des personnes comme Steve Jobs, Bill Gates ou Steve Wosniak (« Au nom de Gates », « Au nom de Jobs », « que Wosniak me préserve »…). De même, les textes de l’ouvrage utilisent le Leet, cette modification du langage née à la fin des années 80, par des programmateurs informatiques. Utilisé principalement sur Internet, ce mode d’écriture se retrouve principalement chez les geeks, joueurs en réseau.


L’univers créé par Valentino et Ferrier est relativement original, on n’y trouve plus d’humains par contre, les multinationales leur ont survécu. On peut voir différents logos : Shell (34rth Pow3r), Coca-Cola (Oil Cola), Nike… D’ailleurs le logo de la grande société énergétique qui contrôle une partie de la planète est celui de Shell, détourné en y ajoutant 2 petites cornes de diable, ce qui en dit long sur ce que veulent faire passer les auteurs. De plus, comme une bonne partie du monde, les auteurs avaient misé sur la victoire d’Hillary Clinton aux présidentielles américaines de 2016. C’est pourquoi, dans leur monde imaginaire, ils ont pris le parti de nommer le robot président de la terre, H1ll4ry.


Le scénariste Ryan Ferrier a mis beaucoup d’humour et de second degré dans cette histoire. Néanmoins, l’auteur utilise parfois un ton irrévérencieux qui va un peu trop loin, à la limite du vulgaire. On y découvre une critique de la société productiviste et de son fameux « métro-boulot-dodo », où lorsqu’un robot démissionne (ou est viré), il est automatiquement voué à la destruction. Ferrier pose également la question de savoir si nous n’allons pas trop loin avec les robots et si cela n’est pas dangereux à terme (vont-ils nous éliminer lorsqu’ils penseront que nous ne pourrons plus rien leurs apporter ?). Bien qu’ils aient pris le pouvoir et éradiquer l’humanité, on peut dire que les robots sont devenus les « nouveaux humains ». Ils peuvent dormir, rêver, travailler, faire la fête… Finalement, ils remplacent leurs créateurs en singeant leurs habitudes.
Devant le succès de D4ve, deux suites de la série (D4ve volume 2 et D4VEocracy) ont été données aux États-Unis, par les mêmes auteurs.


Version illustrée : http://www.artefact-blog-bd.com/integrale/d4ve/

Playmo44
7
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le 21 mars 2018

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