Journal d'une bipolaire par Rohagus
Journal d'une bipolaire, voilà un titre qui ne m'indiquait en rien son contenu. En effet, j'ignorais avant de lire cet album que le trouble bipolaire est le nom actuel d'une maladie plus connue du grand public sous le terme de maniaco-dépression, l'alternance de phases dépressives et de phases d'exubérances.
Emilie Guillon a souffert depuis la fin de son adolescence de cette maladie, et elle en souffre toujours même si des médicaments et des soins semblent lui apporter désormais du réconfort et un état relativement stable.
Patrice Guillon, son père, déjà auteur de "Mes Copains d'autrefois" et de "Dans la secte" (sous un pseudonyme) chez La Boite à Bulles, a su la convaincre de participer avec lui à l'écriture du récit de sa maladie, de son apparition à ce qui ressemble le plus à sa résolution.
Au dessin, Sébastien Samson est pour moi un inconnu. C'est sa première véritable BD et il s'en sort carrément bien. J'étais persuadé de retrouver là le dessin d'un auteur que je connaissais déjà sans savoir situer qui exactement. Son trait rond et vivant me faisait notamment penser à un mélange entre les styles de Jérôme d'Aviau et d'Emile Bravo. Sa mise en page est fluide, son dessin très agréable et ce sont donc de jolies planches qui mettent en scène la vie de la jeune Emilie.
Pour le récit, précisément, il tient un peu du documentaire. Il s'agit d'un témoignage pur et dur, une autobiographie dont l'objectif est double. Je cite les dialogues de l'auteure quand elle dit qu'il s'agit, d'une part, de donner un sens à sa vie et j'imagine à mettre des mots et des images sur sa maladie, et, d'autre part, d'intéresser si possible d'autres personnes en souffrance ou ayant un lien avec cette maladie. Pour le lecteur standard, du coup, il s'agit avant tout de découvrir cette maladie et ses effets sur la vie d'une jeune femme.
Ses conséquences sont mises en images et relatées mais le lecteur est longtemps laissé à l'écart de l'explication de l'origine de ces troubles (leur description exacte n'arrivera qu'à la planche 61). Et les moments de déprime sont simplement décrits par des mots indiquant que l'héroïne ne va pas bien, quelques plaintes, pleurs et prostrations de sa part, mais peu de choses dans la narration permettent de ressentir la teneur de ces déprimes et de la faire ressentir aussi peu soit-il aux lecteurs. Chaque tentative de suicide de l'héroïne arrive du coup presque comme un cheveu sur la soupe tant on a du mal à capter sa dépression.
Il s'avère que cela fait un peu partie de la maladie puisque, s'agissant d'un dérèglement du système nerveux, les phases d'angoisse, de déprime et de maniaquerie paraissent totalement incompréhensibles pour un observateur extérieur. Mais j'aurais aimé que le récit nous mette néanmoins davantage dans la peau de l'héroïne, pour mieux comprendre ce qu'elle ressent.
Le contenu est instructif... Hélas, il se révèle peu passionnant. On suit la vie quotidienne de cette jeune femme avec un peu d'intérêt au départ, puis les évènements se succèdent, moments de déprime, tentatives de suicide, hospitalisations, foyers, psychiatres, moments d'euphorie, et ainsi de suite. Certes réaliste, le récit se bornant aux faits se révèle parfois ennuyeux, au point de faire décrocher le lecteur.
Du coup, c'est une BD qui ne parlera pas à tout le monde et s'adressera plus particulièrement à ceux qui sont vraiment intéressés par le sujet ou qui ont un rapport plus ou moins proche avec la maladie.