Jean Léturgie retourne au Mississipi (plus récemment écrit avec 2p) 35 ans après que notre cow-boy solitaire l'ait quitté dans l'album En remontant le Mississippi. L'album laissait un goût mitigé : en plein âge d'or, l'histoire était assez pauvre bien que dynamique et plutôt exotique. Elle gênait pour l'insistance de la caricature raciale, certainement une exagération des mentalités de l'époque et du contexte Louisiane.
Cet album ne commet pas cet impair bien que l'action se déroule beaucoup plus au Nord, du côté de Saint-Louis où un ingénieur Eads a reçu l'aval du président Grant de construire un pont sur le fleuve pour rejoindre l'autre rive par voie routière et ferroviaire.
Globalement l'intrigue est assez peu poussée : les frères Cayman vont tout faire pour mettre des bâtons dans les roues au chantier car ils ont des intérêts à garder le statut quo et les rentes qu'ils en tirent. Les scènes d'action sont assez peu inspirées, Léturgie aurait pu être plus imaginatif.
De nouveaux persos sont plutôt réussis tels les frères Cayman qui ont un certaine épaisseur et des répliques parfois bienvenues. L'ingénieur Eads et le Sénateur Bridges sont assez neutres.
Aussi dans le côté difficultés à payer les ouvriers d'une grande construction car le chantier rencontre de nombreux obstacles, on retrouve des ficelles développées dans Le Domaine des Dieux d'Asterix.
De nombreux persos sont néanmoins puisés dans le passé de Lucky Luke :
-> Pat Poker, vu dans un album très ancien qui a ici un rôle mineur et moins gratifiant ;
-> Ned, l'ancien pilote de la Daisy Belle qui garde ces histoires à dormir debout et fait somme tout plaisir à revoir. Cela aurait été intéressant de donner un peu plus de crédit à Sam par exemple ;
-> Mathias Bones le croque-mort vu dans Les Dalton à la Noce et que l'on retrouvera dans Le Klondike.
Un album moyen donc, qu'on oublie assez vite même si on apprend quelques faits historiques précis. On peut en retenir l'allégorie que Lucky Luke construit des ponts et pas qu'au sens propre. C'est un vrai liant entre générations, couches sociales, cultures. Et pour tout ce qu'il a apporté, on peut bien être indulgent pour ce type d'albums.