Une oeuvre pas banale d'un virtuose qui manque de rigueur !
A coup sûr, on ne peut pas rester indifférent face à "Nightly news". Il suffit de l'ouvrir pour s'apercevoir de l’originalité du titre et de sa cohérence. Scénario, dessins, colorisation, tout est l'oeuvre de Jonathan Hickman et de son esprit très particulier. En découle un comics avec une véritable personnalité.
Ce qui saute tout de suite aux yeux, c'est la mise en page très originale ne suivant littéralement aucun code ! Beaucoup de voix de off, présence de nombreux commentaires, de graphiques, de données statistiques. Que l'auteur de manière assez hypocrite conseille de passer si "comme lui" on ne souhaite pas se prendre la tête et seulement se divertir, alors pourquoi les-as-tu ainsi placés ? Déstructuration complète de la mise en page, le comics y perd malgré tout grandement en lisibilité et en légèreté. La narration et les dialogues sont ainsi souvent noyés par le propos. C'est le mouvement générale de l'intrigue qui se perd, pourtant on ressent régulièrement du mouvement dans la mise en scène mais c'est la juxtaposition des scènes, qui se fait de manière bien moins fluide.
Les dessins eux sont vraiment très agréables, on regrettera simplement la redondance de certains. S'il y a par contre un aspect graphique auquel je ne trouve rien à reprocher, c'est la colorisation. Je la trouve tout simplement parfaite ! Faite de contrastes, elle joue sur très peu de couleurs, et de très peu de variation, mais de magnifiques couleurs mates, qui se mettent vraiment en valeurs les unes avec les autres. (Deux trois nuances de bleus, deux trois nuances d'orange, tournant parfois faire le marron, le blanc et le noir ) C'est un sans-faute pour moi qui explique notamment l'irrésistible attrait qu'a exercé l'ouvrage sur moi.
Les défauts du scénario sont finalement, il y a souvent une certaine lourdeur face au manque de cadres. On s'y perd, le propos ne peut jamais tant que ça se développer ne semblant souvent à l'image de la mise en page qu'un patchwork de réflexion comme aurait pu le faire le fils illégitime de Che Guevara et d'Andy Warhol. (oui je sais deux hommes peuvent pas techniquement avoir un enfant, mais vous avez saisi l'idée)
Et si l'auteur se dédouane régulièrement des propos tenus par ses personnages, notamment en ce qui concerne leur parti pris pour la violence, il n'en reste pas moins que le propos reste parfois caricatural, manquant clairement de subtilité. En réalité, ce défaut me fait un peu pensée à un autre ouvrage, Punk Rock Jesus, dont le propos est tellement adapté à la société américaine qu'il dénonce, qu'il extrapole parfois son propos sans se rendre forcément compte du cas particulier des états-unis. Pour un européen, il ne reste parfois plus que des raisonnement très grossiers qui perdent en crédibilité de par leur manque de subtilité.
Pour conclure, je pense que l'oeuvre pâtit en partie du fait d'être l'oeuvre d'un unique artiste tentant de faire passer une vision du monde à travers trop d'outils. Il a ainsi beau donner une cohérence à son ouvrage, il n'en reste pas moins qu'il perd en rigueur et en lisibilité, Hickmann me semble clairement un virtuose, qui prouve son talent ici tant scénaristique, que graphique, mais qui comme beaucoup de virtuose manque ici de recul pour pouvoir nous proposer une oeuvre solide et véritablement agréable. Son effet pourtant marquera un certain nombre et plaira probablement à de jeunes adolescents ayant besoin de retrouver des œuvres percutantes, détonantes, bien que quelques peu superficielles. Ironiquement, il y a une dénonciation du sensationnel du choc des images faites par Hickmann, on peut reprocher la même chose à cette ouvrage.
Il faut aussi conclure sur l'édition d'Urban comics, j'ai toujours apprécié les ajouts bonus en fin rajoutés, mais ici il faut avouer que ces annexes ressemblent à du bourrage, représentant quasiment la moitié de l'ouvrage.
Malgré ma note de six, je ne peux pas déconseiller ce comics, qui mérite selon moi d'être lu car malgré ses défauts conséquents, il justifie malgré tout vraiment sa propre existence ! Ce n'est pas un ouvrage anodin, loin de là !