"Chroniques d'une survivante" de Catherine Bertrand : le Bataclan, et après ?

Difficile de passer à côté du petit livre de Catherine Bertrand (un pseudonyme) Chroniques d’une survivante publié aux Editions de la Martinière. Interrogée dans de nombreux médias, l’aspirante dessinatrice sortie indemne physiquement du Bataclan délivre son message articulé autour du stress post-traumatique subi à la suite des attentats de Paris de novembre 2015. Lettres it be vous en dit quelques mots.


La quatrième de couverture


Bon, ben j’étais au Bataclan...
Mais ça va, hein. Je suis vivante, j’vais pas me plaindre.
Le quoi ? Le stress post-traumatique ?
Connais pas.
Si ça a bouleversé ma vie ? Non, pas du tout, pourquoi ?
J’ai fait quelques dessins pour raconter tout ça, une sorte de journal, quoi.
Peut-être bien que tu te retrouveras dans certaines pages.
Tu veux y jeter un oeil ? Ou les deux ?


L’avis de Lettres it be


Difficile de parler d’un tel ouvrage. Difficile parce que l’émotion est de mise, parce qu’elle est à la fois son tenant et son aboutissant. L’émotion par le rire, et par les larmes. Difficile de tenter une véritable critique quand le message prend le pas sur tout le reste. On goûte volontiers à l’humour de Catherine Bertrand et à son trait particulier, mêlé, mais qui n’aurait peut-être pas retenu toute l’attention en-dehors d’un tel propos. Si l’on en reste sur cet humour qui habille les pages de Chroniques d’une survivante, là encore, il faut chercher à savoir sur quel pied danser. La causticité est-elle de mise de bout en bout ? Sur quel registre faut-il se placer pour bien aborder l’ouvrage ? Est-on face à un manuel de reconstruction de soi après avoir affronter un drame ou face à un témoignage pur d’une femme présente le soir des attentats du Bataclan ? Si le propos n’avait pas été celui que l’on connaît, comment accueillir une phrase comme « Et encore, en tant que Parisienne, j’estime avoir de la chance car le personnel médical est plus réceptif et plus sensible. » (page 82) ? Comment saisir ce guide de fin d’ouvrage pour savoir Comment parler à un(e) traumatisé(e) ? Pourquoi cette mention « Mon témoignage est brut de décoffrage, toutes ces histoires ont été vécues… » ? Eût-il fallu en douter ? Autant de questions qui ont habité notre lecture de cet ouvrage. Des questions que l’on pose ici.


Il reste plus que nécessaire de s’interroger sur ces textes qui paraissent mois après mois, faisant ressurgir sous des formes diverses l’indicible figure du Bataclan et plus largement des attentats. Il faut s’interroger, ne pas recevoir le message sous sa forme la plus brute, sans prise de recul, sans recherche de compréhension supplémentaire au-delà de l’émotion. Le livre que je ne voulais pas écrire d’Erwan Larher, Une belle équipe de Grégory Reibenberg… Qu’est-ce qui pousse ces rescapés, blessés physiques ou psychiques, à se tourner vers la mise en avant d’un message diffusé largement, via un livre le plus souvent ? Qu’est-ce qui nous pousse, nous lecteurs, à aller vers ces textes, ces récits, ces témoignages, en quête d’une sensation supplémentaire, d’un élément en plus pour se rapprocher de l’Horreur ? Si on ne peut se départir de l’aspect mercantile qu’y voient les éditeurs, on comprend, humainement, le besoin de ces Femmes et de ces Hommes de coucher quelque part ces souvenirs, pour mieux tenter de se reconstruire. Et après ?


Assurément, on marche sur des œufs en écrivant cette chronique. Non pas que le livre de Catherine Bertrand ne mérite pas toute l’attention qui lui est portée. Simplement que l’émotion ne doit pas prendre le pas sur un recul critique nécessaire, important parce que possible. Toutes les questions posées dans cet article tentent d’aller en ce sens. Aucune polémique inutile qui ne saurait nourrir le propos. Simplement le questionnement pour avancer encore un peu.


Retrouvez la chronique en intégralité sur Lettres it be : https://www.lettres-it-be.fr/critiques-de-bd/chroniques-d-une-survivante-de-catherine-bertrand/

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le 26 nov. 2018

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